Buenos Aires Histoire

Buenos Aires, genèse d’une ville américaine

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Buenos Aires est le passage incontournable pour qui visite l’Argentine. En posant le pied en Amérique du Sud, le visiteur va se retrouver plongé pour un temps dans cette mégapole tentaculaire qu’est Buenos Aires, capitale de l’Argentine.
A la survoler, on peut apprécier l’étendue de cette ville construite dès l’origine en damier selon le tracé datant des conquistadores espagnols (Voir plan de Juan de Garay en 1580) qui est le modèle par excellence des villes hispano-américaine.
Lorsque le visiteur découvre les quartiers historiques, appréhende le patrimoine architectural et prend le pouls du Buenos Aires intra-muros habité aujourd’hui par 3 millions de porteños (15 avec l’agglomération), il se surprend à ne pas être surpris et à ne pas se sentir si éloigné des grandes capitales européennes comme Madrid ou Paris malgré les 10000km qui les sépare.

Buenos Aires est une ville intéressante et agréable à découvrir et à connaitre.
Devenue importante au sein de l’empire espagnol, elle se transformera rapidement à la fin du XIXe pour devenir selon l’expression consacrée dans les années 1920 ‘le Petit Paris de l’Amérique du Sud’.
Retour sur la genèse de cette ville américaine.

Trinitaires et Porteños

L’habitant de Buenos Aires se nomme le Porteño (prononcer portenio) qui désigne par là les habitants du port. Au moment de sa fondation (11 juin 1580, fête de la Sainte Trinité) la ville s’appelait La Trinidad et son port Santa Maria del Buen Ayre, du nom de la Sainte Patronne des marins espagnols de Séville depuis le XIVe siècle. Ils ont hérité de la dévotion à Santa Maria de Bonaria de Cagliari en Sardaigne.

Les Trinitaires sont les espagnols envoyés par la couronne en charge des affaires de la ville, une aristocratie qui habite autour de la place centrale, la Plaza Mayor (l’actuelle place de Mai).
Selon une répartition bien précise qui respecte l’ordre hiérarchique, plus vous habitez près de la place plus votre rang est important.

A cette époque et ce jusqu’en 1776, Buenos Aires ne bénéficie pas de l’autorisation de la couronne espagnole pour commercer avec l’extérieur, toutes les marchandises passent par les ports situés sur le Pacifique. C’est depuis le port de Callao près de Lima (capitale du Pérou actuel) que transite tout le commerce et les richesses et acheminer vers Cordoba puis Buenos Aires.
Buenos Aires ne doit se contenter que de deux navires de marchandises par an. Cela n’empêche pas de nombreux bateaux de remonter le Rio de la Plata. Des pirates, des corsaires, hollandais, anglais et français, et des contrebandiers portugais venant du Brésil voisin se risquent dans ses eaux dans l’espoir de riches butins et de riches commerces.

Buenos Aires devient alors – malgré lui ou naturellement selon le point de vue – un port de contrebande, non seulement pour importer les produits courants et des esclaves et détourner la loi et les douanes régissant le commerce dans le vice-royaume de l’Alto-Pérou mais aussi pour exporter la production de la région (cuir, suif, viande séchée) vers le Brésil.
Son développement s’amplifie autant sur la route commerciale terrestre de Buenos Aires à Potosi que fluviale vers Asuncion et côtière vers San Vincente (le port de São Paulo).
Le commerce des esclaves -alors strictement interdit- profite dès 1600 de cette aubaine pour acheminer vers Potosi des esclaves noirs amenés de Lubumba, le port portugais de l’Angola actuelle (voir l’épopée du Sieur de Ste Colombe dans les années 1660).

La population de marchands résidant sur le port s’est rapidement développée. Une population composée en majorité de portugais, marins et commerçants qui se sont rapidement constitué de grande fortune et ont pu acheter de prestigieuses résidences autour ou proche de la place tant convoitée de la ville de La Trinidad.
Buenos Aires
Les Porteños les plus aisés et habiles s’achètent une conduite et un titre, évoluent dans les plus autres sphères du pouvoir et de leurs influences.
Les Trinitaires qui ne manquent pas de probité et défendent la dignité de leur fonction sont en minorité et restent pauvres. Les fonctionnaires espagnols corrompus mettent la main dans l’engrenage de la contrebande.

Avec l’arrivée de Bourbons à la couronne espagnole en 1776, la colonie de l’Alto Pérou est redessinée et Buenos Aires devient la capitale du Vice-Royaume du Rio de la Plata. Le commerce se libéralise et devient plus flexible. Sans pour autant abandonner son caractère de port de contrebande, la ville s’enrichit prodigieusement et la bourgeoisie criollo (entendre des descendants d’espagnols nait dans les colonies) surclassent la noblesse espagnole venue de la métropole même si ces derniers conservent la plupart des postes clés.

Triomphe du porteño

L’appellation et les registres font fi de la dénomination ‘ville de La Trinidad‘ (qui portera ce nom officiellement jusqu’en 1996 sans le savoir), le port de Buenos Aires l’a définitivement supplanté.
Elle est devenue une ville respectable et convoitée par les grandes puissances européennes du moment. L’Angleterre en tête car elle domine les mers après la victoire de Trafalgar (1805) sur les flottes napoléoniennes et espagnoles.

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Après les tentatives d’invasions anglaises de 1806 et 1807 et l’absence de la couronne espagnole suite à l’emprisonnement du roi par Napoléon, les criollos de Buenos Aires revendiquent leur autonomie pour préserver leur territoire des aspirations françaises. Ils s’émancipent alors de la tutelle espagnole (mai 1810).
Puis, après avoir pourchassé par les pampas et les sierras ceux qui s’y opposaient, ils déclarent l’indépendance (juillet 1816) des territoires qui prend la nouvelle appellation de ‘Provinces Unies du Rio de la Plata’ qui deviendra par la suite ‘Confédération’ puis ‘République’.

Jaloux de sa rente douanière et surtout riche de son commerce et puissante, Buenos Aires compte bien asseoir son pouvoir politique et gouverner le reste des provinces existantes.

Il s’en suivra une opposition fratricide continuelle entre la ville de Buenos Aires et les provinces de l’intérieur qui perdurera jusqu’à la constitution de la République Fédérale Argentine en 1860 puis la désignation de sa Capitale en 1880.
Buenos Aires est non seulement la Capitale du pays mais elle est aussi autonome au même titre que les autres provinces.

Devenu un centre politique et économique incontesté, elle compte devenir un pôle d’attraction pour les capitaux européens et se construit une image de ‘Nouvelle Athènes’ comme l’on voulut ses mentors et ses promoteurs.

“Le petit Paris de l’Amérique du Sud”

L’Argentine rayonne. Buenos Aires s’emballe. Lors de sa présentation à l’exposition Universelle de Paris en 1889 elle obtient un franc succès. Buenos Aires devient le port d’arrivée d’une immigration européenne chaque fois plus nombreuse qui submerge les criollos et lui donne une nouvelle identité en à peine 20 ans.
Le Porteño reste égal à lui-même mais le commerçant portugais du XVIIe s’est ‘italianisé’ avec l’arrivée massive d’italien du Sud.
Le Porteño écrit ses lettres de noblesses. Comme le Titi parisien a son argot et son parlé propre, le Porteño possède son Lunfardo et malmène le castillan en incorporant ses italianismes.

La ville de Buenos Aires est repensée. Son paysagiste en chef Carlos Thays lui confère ses parcs et ses avenues arborées.
Les hôtels particuliers fleurissent dans toute la ville et l’architecture des quartiers n’a rien à envier aux belles avenues parisiennes ou madrilènes.
La ville se dote de la première ligne de métro en Amérique du Sud, la ligne A.
Les grands propriétaires terriens qui forment une oligarchie omnipotente rivalisent de démesure et d’excentricité au moment de faire construire leur résidence portègne et la maison principale de leur estancia.
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C’est l’âge d’or de Buenos Aires dont on peut encore apercevoir quelques monuments emblématiques à l’image du Palacio Basualdo (actuelle Ambassade de France), du Palacio Fernández Anchorena (Nonciature Apostolique), et des édifices autour de la place San Martin comme le Palacio Anchorena (Ministère des Relations Extérieures) et Palacio Paz (Cercle militaire) et l’hôtel Plaza. Les Palacio Bosch (Ambassade des États-Unis) et Palacio Errazuriz (Musée National d’Art décoratif) sur l’Avenue Libertador actuelle.
Buenos Aires concentre toutes les folies et toutes les excentricités du moment, des centaines de cabarets émergent pour former un grand Pigalle d’Amérique du Sud sur fond de Tango.
L’heure est au développement, à la prospérité et à l’optimisme tout comme en Europe jusqu’à la veille de la guerre de 1914.

Il est possible de humer ces puissantes transformations qui ont été vécues et représentées par l’artiste peintre argentin Pio Collivadino; certains de ses célèbres tableaux permettent de sentir l’atmosphère de la métamorphose d’une ville. Car, c’est cela dont il s’agit. Ce fut une brusque coupure avec le passé qui a été recouvert par la marche inexorable du progrès.
Mis à part certaines églises ou édifices religieux (notamment des Jésuites), très peu d’édifice datant de l’époque coloniale espagnole subsistent. Seule la maison de Jacques de Liniers dans le quartier de San Telmo lutte pour sa survie et a été préservée jusqu’à aujourd’hui.

Bénéficiant des progrès de la révolution industrielle européenne et grande pourvoyeuse de matière première, l’Argentine et particulièrement Buenos Aires avec sa population européenne, sa culture européenne, son architecture européenne, renforcent l’idée de l’existence d’un petit Paris de l’hémisphère Sud.

Rendue célèbre et populaire en Europe par l’épopée des pilotes de l’aéropostale qui traversent héroïquement l’Atlantique pour ouvrir la Ligne, y amener le courrier et dont les exploits sont connus de tous; les Guillaumet, St Ex et Mermoz collaborent sans le savoir à la formation du mythe de Buenos Aires qui prend alors une autre dimension dans l’imaginaire européen.

En littérature, les porteños célèbres Roberto Arlt et Borges…sauront faire partager le charme de cette époque trépidante et révolue.

Il existe dorénavant un lien charnel, affectif, avec Buenos Aires. Un supplément d’âme qui la rend si attrayante et facile à vivre.

Voir aussi:

Guide pratique

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