Jacques de Liniers “el Reconquistador” a organisé la défense de Buenos Aires contre les anglais et sa popularité le fait devenir vice-roi de la Plata.
A partir de août 1807 le cours des événements se précipite
Le premier acte de Liniers est de nommer un de ces compagnons d’armes, Elio, gouverneur de Montevideo. Ce dernier deviendra par la suite l’un de ses plus farouches ennemis.
Les derniers événements ont donné naissance à de nouveaux sentiments parmi les habitants et notables de Buenos aires. Ils ont goûté à leur indépendance et ont pris conscience qu’ils pouvaient eux-mêmes se défendre et se diriger. Liniers, fidèle et loyal à la couronne essaie malgré tout de calmer les esprits au point qu’il rappelle à l’ordre sévèrement les séditieux du Cabildo, démobilise une partie des troupes et s’adapte aux événements internationaux.
Car depuis l’entretien de Bayonne avec Napoléon envahissant l’Espagne; d’ennemis, les anglais sont devenus alliés des Espagnols et des Portugais.
La famille royale portugaise, les Bragance, se sont réfugiés au Brésil et tente d’approcher Liniers pour établir un traité diplomatique et permettre aux anglais d’obtenir un traité de commerce avec le rio de la Plata.
Liniers approuve ces démarches mais est il n’est pas approuvé par le “Cabildo” qui se plaint de lui et l’accuse auprès de la cour de Madrid.
Un envoyé Napoléon 1er au rio de la Plata
La situation critique de Liniers sera renforcée par l’apparition d’un émissaire de Napoléon qui cherche à prendre contact et établir des liens avec Liniers. Napoléon n’a pas la maitrise des mers. Il cherche donc des points d’appuis dans les colonies espagnoles pour tenter de faire main basse sur celles-ci. Après investigations il apparait que le Marquis de Sassenay connait Liniers. Napoléon va donc l’envoyer sur le rio de la Plata pour prendre contact et essayer d’obtenir des avantages.
A son arrivée les esprits sont surexcités à l’annonce de l’abdication de Charles IV au profit de son fils Ferdinand VII. L’arrivée de Sassenay à Montevideo et bientôt à Buenos Ayres et remarquée, elle nourrit les passions et l’esprit de révolte gronde.
Lors d’une réunion extraordinaire du Cabildo et du vice-roi, il est décidé que Sassenay serait renvoyé d’où il vient. La loyauté de Liniers est saluée pour sa conduite et sa réaction.
Au moment de repartir, éclate un violent orage qui conduit Liniers à héberger pendant la nuit Sassenay; à son retour et pour amoindrir l’échec de sa mission Sassenay, aura des écrits maladroits qui mettront en danger Liniers. Notamment il prête à Liniers une déclaration de fidélité du vice-roi à l’empereur. Ces deux faits tangibles alimentent les soupçons.
Quelle conduite devait tenir un officier qui, depuis 35 années, était au service de Sa Majesté Catholique, le représentant de Ferdinand VII, enfin le vice roi ? Quel rôle devait-il jouer dans des circonstances aussi critiques ? Il ne pouvait hésiter. Doublement sujet de la maison de Bourbon, et par sa naissance et par son emploi, il sacrifia une partie de sa popularité à sa loyauté, ses intérêts personnels à ce qu’il sentait être son devoir. Né chevalier, il agit comme il convenait à un chevalier d’agir. Homme d’honneur, il opposa une vigoureuse résistance à un projet extravagant et déloyal et aux tentatives d’un cabinet voisin. Cette résistance lui attira des persécutions sans nombre et ses efforts pour conserver à Ferdinand VII le royaume du Paraguay ont été représentés par la calomnie comme le résultat d’un plan qui devait le mettre au pouvoir du vil usurpateur (en parlant de Napoléon NDLR) qui, à cette époque, souillait par sa présence l’ancienne résidence du roi d’Espagne.
Jean Gabriel Peltier
L’Ambigu n° 266- Londres, 20 août 1810
Sassenay passe part Montevideo avant d’entreprendre son voyage de retour. Il tombera dans les mains d’Elio qui l’accuse d’espionnage et le jette en prison avant de l’envoyer à Cadix. Il ne devra sa liberté qu’à un échange de prisonniers accordés entre Londres et Napoléon à la fin de l’année 1810.
Liniers s’en sort avec les honneurs – intrigues de Montevideo
Le 21 août 1809, Liniers procède à la cérémonie publique de prestation de serment de fidélité et de loyauté à Ferdinand VII. Une fois de plus la ferveur populaire spontanée prend le pas sur les séditieux qui tentent de le discréditer.
C’est ce moment que choisit Elio pour commencer ses intrigues à l’encontre de Liniers. Blâmé pour sa conduite envers Sassenay et attisant la vindicte contre Buenos Aires et son gouverneur étranger, Elio profite de sa popularité et du ressentiment contre Buenos Aires qui avait su résister et valut tous les honneurs quand Montevideo avait sombré sans offrir beaucoup de résistance à l’anglais.
Elio désobéit en refusant de prêter serment à Ferdinand VII et accuse Liniers de vouloir remettre le rio de la Plata aux mains des français.
Destitué par Liniers, Elio profite de cet acte et de sa popularité pour alimenter sa haine envers Liniers. Il gagne les esprits et la population coloniale qui lui reproche d’être français.
Liniers continue d’être approuvé à Buenos Aires mais son temps est maintenant compté.
Le 19 octobre 1808, il doit faire preuve de fermeté et arrêter les meneurs du mouvement de rébellion, la junte, à la solde de Montevideo.
Le 1er janvier 1809, une nouvelle junte se rassemble sur la plaza Mayor pour scander des propos anti-français dirigés contre Liniers et en vue de le discréditer et le destituer en se contaminant et dirigeant une manifestation populaire. Les chefs de cette junte sont arrêté et condamné à l’exil en Patagonie. Elio s’empresse de dépêcher une force qui les libère et les ramène à Montevideo. Ils auront ainsi tout le loisir d’achever sa ruine par le mensonge et la calomnie.
Pour calmer les esprit le remplacement de Liniers par un Espagnol est décidé à Madrid.
Son éclat brille encore, il est nommé comte de Buenos Ayres.
Les événements s’accélèrent:
- Par décret Don Balthazar Hidalgo de Cisneros est nommé vice-roi de la Plata le 11 février 1809.
- Cisneros enlève le titre de gouverneur de Montevideo à Elio.
- C’est en juin que Liniers décide de s’éloigner de Buenos Aires pour ne pas servir de prétexte
- Cisneros commet une succession de maladresses. Des mesures vexatoires pour les uns, laxistes pour les autres, il ne pressent pas le danger de ces décisions et n’a pas la finesse politique suffisante pour canaliser les esprits.
En route pour Mendoza, Liniers s’arrête à Cordoba où il retrouve son ami et compagnon d’arme Guttierez de Concha. Il découvre l’ancienne résidence jésuite d’Alta Gracia et son bon air le décide de s’y établir avec sa famille.
Pendant ce temps Cisneros ne cesse de réclamer le départ de Liniers vers la métropole. Levant tous les obstacles.
Le 30 avril 1810, Liniers se rend à Cordoba pour les derniers préparatifs au départ lorsque, le 31 mai, il apprend que les révolutionnaires se sont rendus maitres de Buenos Ayres.
Chronologie des événements de la révolution de Mai 1810
- Le 13 mai, une frégate anglaise apporte de sombres nouvelles. Le roi Joseph, frère de Napoléon, est entré triomphalement dans les principales villes d’Andalousie, Séville, Grenade, Cordoue, Malaga. Le gouvernement qui représente Ferdinand VII est assiégé sur l’île de Léon. La situation est désespérée.
- Le 21 mai, un Cabildo extraordinaire est réunit pour discuter du futur proche lorsqu’une foule se réunit pour demander un Cabildo public.
- Le 22 mai, le Cabildo public décide de la destitution du vice-roi Cisneros et remet le pouvoir à une junte du gouvernement.
- Le 23 mai, L’Ayuntamiento dépose officiellement le vice-roi
- Le 24 mai, élection de la junte
- Le 25 mai 1810, le nouveau gouvernement est inauguré. La “primera junta” se compose Saavedra, président et commandant des armées; accompagné des assesseurs Dr. Juan José Castelli, Dr. Manuel Belgrano, Cnel. Miguel de Azcuénaga, Dr. Manuel Alberti, Domingo Matheu, Juan Larrea et les secrétaires Dr. Juan José Paso et Dr. Mariano Moreno.
La première révolution argentine est accomplit ce jour-là.
Le serment de fidélité de Liniers est inébranlable
Le 31 mai, à Cordoba,Guttierez de la Concha réunit l’assemblée à laquelle participe Liniers. Après quelques jours de délibération, Liniers affirme sa fidélité et sa loyauté envers la couronne espagnole et qu’un homme comme lui après trente-six de fidélités au souverain n’allait pas, à la fin de sa vie, se couvrir d’ignominie en demeurant inactif dans cette cause. Il ne voulait pas laisser à ses fils un nom, jusque là sans tâche, déshonoré par l’épithète honteuse de traître. Guttierez de la Concha, Allende, Rodriguez et Moreno se rallient à lui.
Cisneros délègue à Liniers les pouvoirs d’organiser la résistance. De l’autre côté, voulant rallier les provinces par la force, Buenos Ayres condamne à mort d’emblée tout tentative d’opposition.
Liniers et ses compagnons quittent la ville de Cordoba le 30 juillet à la tête d’une petite armée en direction de l’alto Peru pour se mettre à disposition du vice-roi de Lima.
Le 06 août, freinés dans leur progression, ils se reposent. Ils sont rattrapés par la troupe de Balcarce lancé à leurs trousses. Arrêtés et traités avec brutalité, Liniers et ses compagnons apprennent avec sérénité que la junte les a condamné à mort.
Jacques de Liniers et ses compagnons sont condamnés à mort
Au matin du 26 août, au lieu dit Cabeza de Tigre, Castelli leur lit la sentence de mort, ils eurent trois heures pour prendre leurs disposition suprêmes.
Refusant de se laisser bander les yeux, Liniers et ses compagnons attestent une nouvelle foi de sa fidélité au roi et à l’Espagne. Jacques de Liniers, à voix haute, invoquait Notre-Dame du Rosaire pour qui il avait eu toute sa vie une grande dévotion. Le peloton fait feux et les cinq corps s’effondrent. Liniers vivant encore, c’est un de ses anciens soldat devenu le commandant French, qui lui donne le coup de grâce.
Ainsi vécut et mourut loin de sa Patrie d’origine un soldat vaillant, un homme de bien qui eu une grande destinée. S’il n’eut pas la taille d’un héros, il eut cependant des heures héroïques qui lui assurent l’immortalité.
G. Manoury dans Les Contemporains
En 1861, le gouvernement argentin fit revenir les corps à Buenos Ayres lorsque la reine d’Espagne Isabelle les fit réclamer par son consul. Ils furent transportés à Cadix avec d’exceptionnel honneurs et déposé dans le Panthéon des marins illustres sur l’île de Léon, où ils reposent.
Le nom de Liniers est encore présent dans la mémoire collective des Argentins. Perçu comme un héros national, défenseur de l’indépendance du territoire au même titre que le sera plus tard le général San Martin “El Libertador”.
Sa maison est encore visible à Buenos Aires: Venezuela 496 dans le quartier de San Telmo
Site de l’Association Mémoire Jacques de Liniers: http://jacques-de-liniers.wifeo.com/
Jacques de Liniers – première partie – 1753-1792
Jacques de Liniers – deuxième partie – 1792-1806
Jacques de Liniers – troisième partie – 1806
Jacques de Liniers – quatrième partie -1807
Jacques de Liniers – cinquième partie -1807-1810
Sources:
Jacques de Liniers par le Marquis de Sassenay, Paris 1892
Les Contemporains, N°852, Paris 1909
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