En 2010, l’Argentine a fêté le bicentenaire de la révolution (25 mai 1810) et se dirige pour 2016 vers la commémoration de sa déclaration d’indépendance (9 juillet 1816).
Retour sur une époque tumultueuse qui voit encore aujourd’hui s’ouvrir des débats passionnés.
Partie 1 – de la révolution à l’indépendance (1810-1815)
Suite à l’affranchissement de la tutelle espagnole décidé par une junte, le 25 mai 1810 lorsque le vice-roi Baltasar Hidalgo de Cisneros est destitué, le pouvoir exécutif change de main.
La mise en place d’un nouvel ordre politique tardera plus d’un demi-siècle avant la création de la république fédérale Argentine sous la forme que l’on connait aujourd’hui.
Première Junte, Seconde Junte, Triumvirat, Second Triumvirat, Directoire…Province Unies du Rio de la Plata, Confédération…lamentablement suite à la révolution, la région sombre dans le chaos économique, l’anarchie politique et le désordre social. Des factions se forment et se divisent, s’affrontent, parfois verbalement et plus souvent avec violence, se font la guerre pour prendre ou garder le pouvoir.
Ce climat instable emmène avec lui le petit peuple dans ses aventures. Une période qui a été grande consommatrice de vies humaines dans un territoire qui n’était que peu peuplé.
L’historien argentin Tulio Halperin Donghi qualifie cette période de « barbarie politique », de « militarisation » et de « ruralisation ».
1.1 – La Primera Junta (25 mai 1810 – 18 décembre 1810)
Lorsque la destitution du vice-roi est obtenue, une poignée de notables locaux décident de se libérer de la tutelle espagnole.
L’Espagne est en proie à l’invasion des troupes napoléoniennes et son roi en résidence surveillée à Bayonne.
Son but est de proclamer l’indépendance et instaurer une nouvelle constitution. Elle cherche à rallier à sa cause les autres provinces d’Amérique du Sud sous domination espagnole.
« ¿Dónde está el pueblo? » où est le peuple ? une phrase célèbre prononcée ce jour par Julián de Leyva.
Favorable à l’indépendance, ce fonctionnaire royal était aussi respectueux des voies légales, il résiste à la pression de Saavedra jusqu’à ce que celui-ci menace d’appeler ses troupes. L’absence de documents de l’époque ne permet pas d’affirmer la participation active de la population à cette journée historique.
Dans les rangs des révolutionnaires, deux factions emmenées par leur leader respectifs s’opposent : Moreno et Saavedra.
Le premier veut agir rapidement, le second veut attendre de voir ce qu’il se passe avec la péninsule ibérique et veut amplifier le nombre de représentants notamment en appelant ceux de la province à Buenos Aires. La junte convoque des représentants des villes de l’intérieur.
Politique internationale: la Junte envoie 3 expéditions armées vers l’Alto Peru (Bolivie), le Paraguay et la Banda Oriental (Uruguay) pour persuader ses autorités de reconnaitre le nouveau gouvernement et à l’intérieur du pays pour parer à tout soulèvement contre-révolutionnaire.
Résultat :
- Alto Peru : en chemin et sur ordre de Buenos Aires, l’expédition capture et fusille Jacques de Liniers dont ils craignaient l’aura. S’en suit quelques batailles et une occupation d’une partie de l’Alto Peru. Mais elle se heurte à une opposition de la population qui reste fidèle à l’Espagne qui leur garantit l’ordre économique et social. Les troupes royalistes mettent en déroute l’armée révolutionnaire, il s’en suivra une longue guerre pour défendre Jujuy, Salta, Tucuman des attaques royalistes.
- Paraguay : Le général Manuel Belgrano est en déroute et il doit battre en retraite. Une défaite qui amènera toutefois la formation d’une junte qui se libérera en 1811 de la tutelle espagnole et se déclarera indépendante de Buenos Aires (ce qu’elle paiera plus tard lors de la guerre de la Triple Alliance dans les années 1860)
- Banda Oriental : Le Cabildo de Montevideo se refuse à reconnaitre la Junte de Buenos Aires y son gouverneur Elio est nommé nouveau vice-roi du rio de la Plata par le conseil de régence.
Les portègnes trouvent un appui en la personne d’Artigas qui va organiser la lutte armée et fait le siège de Montevideo en 1812
1.2 – La Junta Grande (18 décembre 1810 – 22 septembre 1811)
La faction de Saavedra prend le dessus sur celle de Moreno (Saavedra étant général qui disposait des troupes d’élites les Patricios).
Politique internationale: Elle ne reconnait plus la légitimité du Conseil de Régence d’Espagne et des Indes et refuse d’envoyer des représentants à Cadix. Cependant, elle n’avance pas plus dans la proclamation de l’indépendance.
1.3 – Le Premier Triumvirat (22 septembre 1811 – 8 octobre 1812)
Cette fois-ci, c’est à l’intérieur de la faction de Saavedra que le conflit éclate. Le général doit s’absenter pour réorganiser l’armée du nord en déroute et un nouvel exécutif prend le pouvoir.
Il est formé de 3 portègnes, ce qui exclu toute participation de la province et de fait elle n’est plus subordonnée aux accords de la Junta Grande (ou Junte Conservatrice).
La première version du drapeau argentin voit le jour le 27 février 1812.
1.4 – Le Second Triumvirat (8 octobre 1812 – 22 janvier 1814)
En Espagne en 1812, Cadiz valide une Constitution qui accouche d’une Monarchie Constitutionnelle.
A Buenos Aires, il existe donc 2 options : ou rejoindre la nouvelle nation espagnole, ou se déclarer rebelle à la métropole.
Le Triumvirat ne peut plus tergiverser et la deuxième option est retenue, ce qui ouvre la voie à l’indépendance définitive.
Un nouveau mouvement révolutionnaire dépose le Triumvirat et en forme un nouveau.
Il intègre des personnages favorables à la cause indépendantiste dans lequel on retrouve des figures comme San Martin et Alvear.
Une Assemblée Constituante est convoquée : l’Assemblée de l’an XIII
La Asemblea del año XIII a pour principe de mettre en œuvre la souveraineté nationale et de la représentation politique à l’image des révolutionnaires français et de la nouvelle constitution de Cadiz.
Cela ouvre le chemin à de nouvelles luttes internes pour définir ce principe de souveraineté : Une et indivisible (un gouvernement centralisé à Buenos Aires l’ancienne capitale du vice-royaume) ou un gouvernement qui respecte l’autonomie de ses provinces et par là l’égalité de toutes ses villes, Buenos Aires inclue (une confédération comme aux USA)?
Le conflit provient en grande partie d’Artigas qui est de l’autre côté du fleuve sur la Banda Oriental (actuelle Uruguay). Ses représentants exigent une indépendance absolue, une constitution confédérale et une capitale qui ne soit pas Buenos Aires.
Sur le fond, aucunes décisions concernant la déclaration d’indépendance et l’écriture d’une constitution n’aboutissent. Il est évoqué la nécessité d’instaurer un pouvoir exécutif unipersonnel
D’autres mesures sont appliquées : la liberté de ventre (les enfants d’esclaves naissent libres), l’abolition des exigences de service des aborigènes, suppression des titres de noblesses et remplacement de la figure du roi d’Espagne (Fernand VII) par l’écusson national, le 25 mai est déclaré fête patriotique et un hymne national est approuvé.
1.5 – Le Directoire (22 janvier 1814-11 février 1820)
Devant le changement de situation en Europe (le retour de Fernand VII est envisagé) et les défaites de l’armée de Belgrano dans le nord pendant 1813, l’Assemblée Constituante devient obsolète est inefficace. Elle décide de créer un pouvoir exécutif unipersonnel : elle nomme un directeur suprême de l’État la personne de Gervasio Posadas. Ce dernier avait été nommé procureur de la ville de Buenos Aires. La distinction complète est le directeur Suprême des Provinces Unies du Río de la Plata. Ce seront 7 personnages qui se succéderont en 6 ans d’existence : Carlos María de Alvear, Ignacio Álvarez Thomas, Antonio González Balcarce, Juan Martín de Pueyrredón, José Rondeau.
Politique internationale: des missions diplomatiques sont envoyées à Rio de Janeiro (alors capitale du Brésil), à Paris, à Londres et aux États-Unis. Le but attendu est d’obtenir la reconnaissance officielle et d’obtenir la protection britannique pour contrer les espagnols. Les missions échouent puisque le roi d’Espagne avait recouvré sa couronne.
A partir de 1815, la deuxième étape du processus révolutionnaire amène à instaurer le Directoire, à délimiter les frontières entre les provinces et organiser l’État.
Prochainement: Partie 2 – de l’indépendance à l’anarchie (1816-1829)
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