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Ulrich Schmidl > premier historien de l’Argentine

ulrich schmidl
Le premier historien de l’Argentine ou plus exactement du Rio de la Plata*.
Son odyssée commence en 1534 pour se terminer 20 ans plus tard en 1554. Ulrich Schmidl (ou appelé Ulrich Schmidel, Schmiedel, ou Schmidt, ce dernier étant très répandu en Allemagne, il est l’équivalent de Lefebvre en françois, Faber en Latin) se porte volontaire pour une expédition au Nouveau Monde. Il a alors environ 25 ans.

Depuis son village natal de Straubing, il s’embarque à  Anvers pour Cadiz d’où l’expédition partira. Selon ses dires 14 grands navires et 2500 hommes, 72 chevaux et juments forment l’expédition, autrement dit la plus importante jamais formée quittant l’Espagne pour conquérir et peupler de nouvelles terres.
Emmené par Pedro de Mendoza, on y retrouve 150 allemands, flamants et saxons; armés comme arquebusiers et lansquenets dont notre Ulrich. Représenté ci-dessus par Théodore de Bry alors qu’il monte un lama pendant quelques jours alors qu’il a un problème aux pieds. Ces animaux domestiques ne servant habituellement qu’à  porter des charges légères en complément des chevaux de bât.

Le récit de ces pérégrinations et de son parcours pendant ces vingt années appartient désormais au registre des témoignages historiques de grande valeur. Il nous permet de prendre la mesure de ces “voyages”.  En dehors des écrits des chefs d’expéditions qui possèdent une vision partisane destinée aussi à  se mettre valeur pour conquérir des faveurs, aucun autre document n’est aussi honnête historiquement parlant.
L’expédition traverse ainsi l’Atlantique pour faire escale aux Canaris, au Cap-Vert, sur l’île de Fernando Noronha puis à  Rio de Janeiro. Enfin l’expédition arrive au Rio de la Plata (Rio de Solis ou mar dulce) et le remonte pour relâcher sur l’île San Gabriel où elle établit son premier contact avec les indiens de la région, les charruas.

Il vit la fondation de Nuestra Señora del Buenos Ayres (1536) qui sera attaquée par les indiens Querandies, Guaranis, Chanas timbus et Charruas, soit plus de 20000 hommes. Installés sur les bords du Riachuelo, le campement se meurt de faim car en dehors de quelques poissons et animaux il n’y a rien. Il se doit également de repousser les attaques des indiens qui ne sont pas près de partager leur territoire et qui finiront par incendier les modestes constructions faites de terre séchée et de toit de paille. Après deux ans de présence, la troupe s’est réduit à  560 hommes, victimes de la faim en grande partie. Alors que Don Pedro de Mendoza, malade, retourne en Espagne en promettant d’envoyer d’autres navires, la troupe commandée par Ayolas recevra le renfort de Alfonso Cabrera et de Juan de Salazar avec 160 hommes en 1538.

Commence alors une formidable épopée en remontant vers le Nord…

Pendant 20 ans, Ulrich Schmidl va parcourir depuis Buenos Aires vers le Nord, toutes ces régions en remontant le rio Parana. Il participe à  la reconstruction de Buena Esperanza (Corpus Christi) et à  la fondation d’Asunción (1537) après avoir soumis les indiens Carios. Ce sera par la suite une longue reconnaissance de ces territoires du Paraguay et du Chaco jusqu’à  l’Alto Peru! à  la recherche des Sierras de la Plata (les fameuses collines d’argent) qui n’existaient que dans l’imagination des conquérants.
Ulrich Schmidl sera le témoin privilégié de toutes les misères et victoires de ces premiers conquérants du Rio de la Plata. Soldat, mais observateur attentif et honnête dans ces descriptions, il relate avec un flegme qui le caractérise les distances parcourues, la faune et la flore rencontrée. Les différents contacts avec les indiens (amicaux ou conflictuels) et leur description physique, leurs mœurs et leur type de vie.

En 1552, il reçoit une lettre de son frère qui lui demande de revenir au pays pour prendre sa succession.
C’est l’une des parties les plus incroyable du récit. Partant d’Asunción le 26 décembre 1552, il mettra 2 ans de voyage à  pied et en bateau avant de retrouver ses terres natales. Avec quatre compagnons et une vingtaine d’indiens, ils s’enfoncent plein Ouest à  travers les territoires Tupis (nom portugais des guaranis) Ils devront lutter contre la faim, les bêtes sauvages et échapper aux indiens anthropophages qui auront raison de deux de ses compagnons d’infortunes. Ils arrivent au port de San Vincente, fondé par les portugais en 1531 sur les côtes du Brésil (au sud de l’actuel Sao Paulo). Ulrich s’embarque finalement sur un navire portugais. Pris dans une tempête après 14 jours de navigation le navire démâte et est obligé de relâcher à  Santi Spiritu un peu plus au Nord. Arrivé à  Cadiz après 4 mois de navigation, il trouve un capitaine qui accepte de le prendre pour continuer sa route. Alors que rendez-vous est pris pour le départ, le jour donné Ulrich Schmidl se présente au port et s’aperçoit que le navire est partit dans la nuit avec toutes ses bagages, il peut distinguer les voiles du navire à  l’horizon. Il trouve alors un autre navire qui doit appareiller en convoi à  destination de l’Angleterre. Prit à  nouveau dans une tempête peu après, il voit le premier navire sur lequel il devait s’embarquer sombrer après avoir heurté des récifs.
Arrivé sur l’île de Wight, il retrouve finalement Straubing et son frère le 22 janvier 1554. Son frère qui avant de mourir lui lègue ses charges et sa fortune. Nous sommes en pleine réforme luthérienne. Il devra quitter son village en 1562 pour terminer ses jours en 1579 à  Regensburg.
Il aura tout de même eut le temps de conter ses aventures et la chronique de la conquête dans un ouvrage parut dans une première édition en allemand en 1567. Une seconde édition paraitra en latin en 1599.
voyage au Rio de la plata
*Rappelons qu’avant cette expédition, les rois d’Espagne ont envoyé une première expédition avec Juan Diaz de Solis en 1516 qui remontera le Rio Parana et mourra sous les flèches des indiens peu après. Puis en 1525, l’expédition de Gaboto qui fondera Santi Spiritu sur les bords du Parana dans l’actuelle province de Santa Fé en 1527. La vie difficile et le soulèvement des indiens les obligeront à  fuir et retourner en Espagne. Le récit de ces premiers explorateurs et conquistadores sur la bonté de ces nouvelles terres éveillera la curiosité et ne fera qu’alimenter l’intérêt des espagnols pour ce domaine à  conquérir dans l’espoir d’y trouver ces richesses incalculables.
La suite est bien connue. Après cette expédition de Pedro de Mendoza à  laquelle a participé Ulrich Schmidl, les événements suivront leur cours. A partir d’Asunción, Juan de Garay redescendra le Parana pour fonder Santa Fé en 1573 puis La Trinidad puerto de Buenos Aires en 1580. Les conquêtes espagnoles devaient durer jusqu’en 1810, date à  laquelle le vice-royaume du Rio de la Plata laisse la place aux Provinces Unies qui fera naître la Confédération puis république Argentine dans un long et douloureux accouchement de plus de 80 ans.

3 Commentaires

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  • Bonjour,
    bien sur je connais la vieille édition de Samuel Lafone Quevedo qui est très bien commentée mais qui représente l’état de recherche d’il y a cent ans. En plus elle ne peut pratiquement plus etre employée parce qu’elle n’est pas basée sur l’autographie (aujourd’hui à Stuttgart), mais sur une copie de l’époque conservée à Munich qui comporte de nombreux changements du texte dus aux copieurs. Le manuscrit de Stuttgart, donc le texte original de Schmidel, a été publié en espagnol pour la première fois par Edmundo WErnicke en 1938 et réédité plusieurs fois depuis, elle se trouve aussi dans mon édition. Il faut donc avoir recours à l’original ou à cette traduction si on veut lire le texte de SChmidel tel qu’il l’a écrit lui-meme. Pour une source tellement centrale pour l’histoire de toute la région du La Plata, il faut prendre pour base ce texte correct. L’édition de Reinhard Maack en portugais de 1959 ne contient que de brefs extraits sur le voyage de retour à travers du Brésil
    F. Obermeier

  • Merci pour ce complément d’information.
    Nous avons dans les mains une édition récente en espagnol (publié en Argentine par Claridad en 2009, traduit par Samuel A. Lafone Quevedo et publié en 1902 à  partir de la copie de l’édition originale parut en allemand en 1889) et qui présente un gros travail de recherche avec de multiples références. Peut-être y-a-t-il un lien avec votre travail?

    A partir du titre original en Allemand, Wahrhafftgen Historien einer Vunderbahen Schiffart welche Ulrich Schmiedel von Straubingen von anno 1534 bis 1554 in American oder Neuen Welt bey Brasilia und Rio della Plata gethan; l’auteur s’emploie justement à  commenter et rectifier certaines données historiques. Car effectivemment Ulrich Schmidl a été baptisé plusieurs fois: Ulrici Schmidts dans la première édition allemande de 1567 et Schmidt, dans celle de de Bry il se nomme Schmidts; dans la version latine il l’appelle Ulrico Faber. Hulsius dans l’édition allemande l’appelle Ulrich Schmiedel et dans la latine Huldericus Schmidel.
    Il a d’autant plus écrit sa relation de voyage à  son retour en Allemagne raison pour laquelle il a lui-même écrit certaines incohérences de lieux et de temps, raison pour laquelle il a parfois été traité de fabulateur.

    Il est a noter enfin une édition de Reinhard Maak daté de 1959 publié en portugais puis en Allemand qui a reconstituer le l’itinéraire de Ulrich Schmidel à  travers le Sud du Brésil en illustrant son travail de 14 cartes (Sobre o itinerario de Ulrich Scmidel através do Sul do Brasil (1552-1553).

    L’odyssée d’Ulrich Schmidel n’a pas finit d’alimenter les études car par ailleurs nombre de peuplades et tribus qu’il a connut sont aujourd’hui disparues…

  • Bonjour,
    j’ai publié une nouvelle édition critique du livre d’Ulrich Schmidel en allemand et espagnol:
    Ulrich Schmidel/Ulrico Schmidl: Reise in die La Plata-Gegend (1534-1554)/Viaje al Rà­o de la Plata y Paraguay (Fontes Americanae, 3), Kiel 2008.
    ISBN: 3-931368-16-6, : 35,– Euro

    Puisque le texte francais de la traduction de Schmidel est très corrompu (il n’est pas basé sur l’original mais sur une édition changée par Levinus Hulsius à  la fin du 16 ème siècle), je serais heureux si les intéressés à  son livre utilisent cette nouvelle édition.
    Cordialment Franz Obermeier