Histoire

La Province Jésuite du Paraguay (1607-1767)

jesuites
La Compagnie de Jésus n’est pas le premier ordre missionnaire à être venu en Amérique du Sud et en Argentine. Précédés de près de 30 ans par les ordres Franciscains, Dominicains, Recollets, Mercédaires et les Augustins, ils ont cependant laissé des traces visibles avec la création la Province Jésuite du Paraguay et ses Collèges, Universités, centres de productions destinés à leur subsistance (les existantes Estancias Jésuites de Cordoba) et les fameuses Missions Jésuites des Guaranis dans le Nord-Est argentin.

Juan Kronfuss dans son livre sur l’architecture coloniale en Argentine parle de ces « monuments du passé, vestiges solitaires…je te regarde et je me représente ton passé ou l’Histoire et l’Art se donne la main… reliques vénérables».

La geste missionnaire des jésuites a ses admirateurs et ses détracteurs, pour certains ils ont été des bâtisseurs, des visionnaires, de grands activistes qui ont participé à la construction sociale, culturelle et économique de l’Amérique du Sud et pour d’autres ils n’ont fait qu’exploiter la bonne disposition et les faveurs de la couronne espagnole pour poursuivre des objectifs qui ne regardaient que leur intérêt propre, au détriment des populations locales (colons et natifs).

L’intérêt de ce qui suit est plutôt de se pencher sur leur œuvre à partir d’une réalité existante entre le XVI et XVIIIe pour essayer de dresser un portrait de leur présence dans la colonie espagnole et plus particulièrement de Province Jésuite du Paraguay.
C’est à partir de la rencontre avec ce monde disparu lors de visites dans les misions jésuites Guarani et des estancias de Cordoba, la découverte d’un fac-similé d’une carte de la région dessiné par les Jésuites en 1732 et publié dans un des Tome de Martin de Moussy laisse apparaître le tissu élaborer par les Jésuites:

Entre 1550 et 1767, la geste des compagnons de Jésus dans la partie sud du continent sud-américain est remarquable sous différents aspects : leur volontarisme et leurs facultés d’adaptations aux populations et la surface des territoires parcourus. Dans des territoires vierges, sauvages, dangereux, dans la jungle subtropicale, ils bâtirent des cathédrales, des collèges et universités, des établissements de plusieurs milliers d’indiens gouvernés par quelques prêtres ; ils développèrent une économie et des filières commerciales qui leur permirent d’accomplir leurs œuvres charitables (élevage, mules, mate, agriculture…) par la constitution d’estancias**.
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I – La Compagnie de Jésus

II – Historiographie de la Province Jésuite du Paraguay ou “Paraquaria”

  1. Les Jésuites, du Brésil à l’Alto Pérou (1549-1580)
  2. Les Jésuites arrivent en Argentine (1580-1599)
  3. Les Jésuites, (1599-1607) – naissance de la Province Jésuite du Paraguay
  4. La Province Jésuite du Paraguay (1608-1707) : développement
  5. La Province Jésuite du Paraguay au XVIII (1707 – 1768) : apogée et expulsion

III – La répartition géographique des Collèges, Estancias et Missions Jésuites

    Des monuments historiques classés au Patrimoine de l’Unesco: 

  1. Les Estancias Jésuites d’Argentine et de Cordoba (voir article dédié)
  2. Les Missions Jésuites Guaranis (voir article dédié)

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I – La Compagnie de Jésus

La Compagnie de Jésus a été officiellement fondée en 1540 Ad Majorem Dei Gloriam « Pour une plus grande gloire de Dieu », Ignace de Loyola (1491-1556, béatifié en 1609) et ses compagnons ont pour but d’aider les âmes, de se consacrer à Dieu, de faire vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Ils sont au nombre de 10 à l’origine, dont François de Xavier qui deviendra le saint patron des missionnaires.
Don Inigo Lopez de Recalde que l’Histoire retient sous le nom de Ignace de Loyola est de conversion tardive, elle se fait lors de sa convalescence après voir été blessé en 1521 en défendant le château de Pampelune contre l’attaque des français.

Orienté vers les activités missionnaires, la Compagnie de Jésus se développe rapidement et complète ses œuvres dans l’enseignement en ouvrant des collèges en Europe, en Afrique, dans l’Empire Ottoman, jusqu’au Japon et en Chine. Dès 1556, dans une lettre à l’un des ses compagnons, Ignace de Loyola exprime son intérêt pour les nouvelles conquêtes espagnoles aux Indes et la possibilité d’y envoyer des compagnons pour répondre aux besoins des âmes.

II – Historiographie de la Province Jésuite du Paraguay ou “Paraquaria”

  1. Les Jésuites, du Brésil à l’Alto Pérou (1549-1580)
  2. En Amérique du Sud, « les Indes Occidentales », entretenant des liens avec l’Espagne et le Portugal, les jésuites s’établissent dans un premier temps au Brésil – ils fondent Bahia en 1549 et Sao Paolo en 1554- puis lorsqu’ils en reçoivent l’autorisation de la couronne espagnole (Felipe II) pour envoyer des missionnaires dans le Vice-royaume de l’Alto Peru (Pérou, Bolivie) en 1560.
    Grâce à l’expédition de Pedro de Mendoza en 1536 et son installation éphémère sur l’actuel emplacement de Buenos Aires, la fondation d’Asunción (1537) et de Santiago de Chile en 1541, de Potosi en 1545 puis finalement Buenos Aires en 1580 par Juan de Garay ; une nouvelle région ouvre le champ d’exploration pour la mission que se sont donnés les jésuites.
    Entre 1550 et 1590, des expéditions espagnoles depuis le Pérou, le Chili et le Paraguay, permettent aux espagnols de s’établir en Argentine: Santa Fé, Corrientes, Cordoba, Santiago del Estero, Mendoza, Tucuman, Salta, San Luis sont autant d’établissements qui se résument à des petits hameaux aux constructions précaires formés par quelques habitants (par exemple : il y avait 40 habitants à Cordoba en 1598).
    En 1580, le Portugal est annexé à l’Espagne, ce qui ouvre le territoire espagnol aux missionnaires jésuites pour entreprendre leurs œuvres.

  3. Les Jésuites arrivent en Argentine (1580-1599)
  4. Francisco de Victoria (ou Vitoria), un dominicain portugais ex-commerçant entre le Pérou et le Brésil, devenu évêque de Tucuman entre 1580 et 1588 ; invite les responsables Jésuites de Bahia et de Lima à envoyer des prêtres missionnaires pour les missions de Tucuman et de Buenos Aires à Asunción.

    Les débuts sont timides, devant ces vastes extensions et le peu de moyens (les missionnaires dépendent des donations locales des colons et du prélat) ; les missionnaires se limitent à deux tâches essentielles de leur ordre : aider les âmes en baptisant les indiens qu’ils rencontrent sur leur chemin durant leurs missions ambulantes et la prédication auprès des colons installés dans la région de Tucuman et d’Asunción.

    En 1599, Esteban Paez arrive au Pérou en tant que superviseur Général de l’Ordre pour trouver une solution de maintenir et développer la mission.
    Il lui parait évident qu’il est préférable de créer des missions sédentaires avec un rayonnement régional plutôt que de s’épuiser à vouloir couvrir cet immense territoire de missionnaires ambulants.

  5. Les Jésuites, (1599-1607) – naissance de la Province Jésuite du Paraguay
  6. La Province Jésuite du Paraguay (ou Paraquaria dans les documents en latin de l’époque) est crée en 1607 dans le but de la différencier de celle du Pérou d’un côté et du Brésil de l’autre.
    Elle incluait les territoires actuels de la moitié nord de l’Argentine, de la Bolivie, du Chili, du Paraguay, de l’Uruguay, et la partie sud du Brésil.
    paraguay

  7. La Province Jésuite du Paraguay (1608-1707) : développement

    1608-1620Développement de missions, de collèges et d’estancias** jésuites.
    Tout au long des décades qui suivent, les Compagnons de Jésus construiront un ensemble ou les estancias, collèges et missions sont reliées entre eux et où tous profiteront des avancées de chacun.

    • Dans le village, sur le terrain (solar) qui leur est concédé ou offert par donation, il construisent en premier lieu leur église, et à côté, le Collège est crée. Destiné à l’enseignement selon la méthode du Ratio Studiorum définit par eux en 1599. ils enseignent la grammaire, la philosophie, la théologie (pour les niveaux supérieurs).
      Les jésuites ont été, du fait de leur engagement dans les collèges et universités, à l’origine de toute une culture de l’activité (du faire par soi-même), d’une culture de la découverte et non plus de la simple répétition, d’une culture de grande capacité d’expression, de participation active à la vie sociale. Culture d’actif “amour de Dieu” aussi, de discernement de Sa volonté dans les choix, dans les actions à mener. D’une culture de la profondeur, à travers ce discernement.
    • Les estancias (ou les) sont des domaines offert aux jésuites par donation ou achat qui leur permet de subvenir aux besoins matériels. sur des terres agreste ils réussiront à cultiver et élevé du bétail. L’excèdent était dévolu à l’embellissement des églises et à l’amélioration des structures, puis à l’échange commercial.
    • Les Missions, sont des lieux où ils regroupent les indiens pour les protéger, les guider, les convertir. Il y développent une agriculture vivrière. Les Jésuites s’attachent à découvrir et comprendre les natifs et développer leur habileté (musique, sculpture…).

    L’administration coloniale et le Conseil des Indes de Séville sont favorables aux Jésuites.
    Les pairs missionnaires (ils opèrent toujours par deux) reçoivent un salaire de la couronne et un forfait nécessaire à l’office religieux et sont exemptés d’impôts (renouvelable tous les 10 ans au prix de négociations à chaque fois très disputées). Le voyage depuis l’Europe, fort couteux, est pris en charge par la Couronne.

    1611 – Premières incursions des bandeirantes (ou mameluques ou paulistas) venant du Brésil vers les régions des missions guaranis pour capturer des indiens.
    1612 – Ordonnance de Francisco de Alfaro qui régule la condition sociale des indiens et prône la suppression des encomenderos* (commanderies) – partiellement appliquées. Plus facilement applicable pour le cas des missions qui disposent d’une certaine autonomie de gestion et d’organisation, plus difficile dans le cas des autres villes et province où l’ordonnance est ajustée en fonction de ces particularités, notamment sur le montant du tribut à payer pour chaque travailleur.

    1620-1641Domination des mers par les hollandais. La colonie connait des difficultés d’approvisionnement et de l’importation de la main d’œuvre. L’esclave devient cher. Nombreuses incursions des bandeirantes qui obligent les missionnaires à former des milices guaranis et les armer.
    1628 – La Province Jésuite du Paraguay compte 150 missionnaires Jésuites dont 100 répartis dans 9 collèges (Cordoba en compte 40 à 60) pour environ 150 esclaves noirs.
    1641-1668Perte de l’hégémonie espagnole en Europe, la dynastie de Habsbourg est affaiblie, les Bourbons prennent le dessus. Révoltes au Portugal. Traité de Westphalie en 1648 met fin à la guerre de Trente ans – Traité des Pyrenées en 1659 (fin de la guerre franco-espagnole commencée en 1635). Frontière Espagne-Brésil incertaine et disputée.
    1648 – Dégradation des relations entre les autorités religieuses et coloniales avec les jésuites. Ils subissent des intrigues et des calomnies à leur encontre.
    Le développement économique étonnant des missions jésuites contrastes avec le reste des entreprises coloniales qui ne sont pas aussi fructueuses. Cela génère envie et suspicions.
    Les nombreuses attaques de l’évêque régisseur Cardenas, un franciscain, contre les jésuites, laisse des traces. Les Jésuites vivent avec l’inquiétude de voir leurs privilèges donnés par les autorités politique (du vice-roi la plus haute représentation de la couronne espagnole), sa confiance en eux en pâti.
    1647 – Première inspection dans les missions jésuites, suspectées d’exploiter des mines d’or.
    1647 – Refus des autorités de l’envoi de 70 jésuites étrangers dans la colonie (dont 25 à destination de la Province du Paraguay) sous prétexte de la situation internationale; mais sans véritables fondements non plus étant donné que bon nombre de jésuites étrangers (italiens, flamands, allemands) occupaient et occupèrent des charges importantes.
    1649 – Le collège d’Asunción se voit exproprié de la majorité de ses terrains qui devient difficile de maintenir
    1649 – Les réductions jésuites guaranis obtiennent le titre de garnison royale pour constituer une ligne de défense vers l’Est et sont donc impliquée dans les affaires politico-militaire.
    1650 – Soulèvement des indiens araucos au Chili.
    1651-1664 – Interdiction formelle aux Jésuites de faire venir des Jésuites étrangers.
    1657 – Pedro de Bohorquez – un espagnol – devient le chef des indiens calchaquis de la région de Tucuman en se présentent à eux comme descendant des Incas. Il soulève les indiens contre les espagnols et détruit les missions jésuites.
    1660 – Conflit entre différentes tribus guaranis.

    1660–1680Expansion jésuite des missions – en Amazonie, sur l’altiplano, vers la Patagonie.
    1666 – Les missions Jésuites Guaranis doivent déposer leurs armes à Asunción.
    1668 – Indépendance du Portugal, mouvement initié en 1641 par les Bragances.
    1679 – Les missions Jésuites Guaranis sont autorisées à reprendre leurs armes devant les nouvelles menaces d’incursions portugaises.
    1680 – Invasion portugaise par la mer sur le Rio de la Plata et fondation de Nueva Colonia de Sacramento en face de Buenos Aires. 3000 indiens guaranis encadrés par quelques centaines d’espagnols attaquent et prennent la place. Rendu en 1683 par le Traité de Lisbonne en échange de la mise à terme des incursions portugaises mais configure une menace permanente pour les missions et établissements espagnols de la région
    1690 – Découverte des mines d’or des Mina Gerais au Brésil, cela permet aux paulistas d’acheter des esclaves noirs qui ont un meilleur rendement et de laisser plus tranquille la région des missions pour ne plus avoir besoin de main d’œuvre indienne.

    1680 – Les réductions Guaranis comptent entre 60 et 70000 indiens. La province jésuite du Paraguay est prospère
    1680-1690 – Les jésuites cultivent une herbe à mate yerba caamini de meilleure qualité que celle de producteurs paraguayen qui cultivent la yerba de palos. Ils gagnent la majeure partie du commerce vers le Pérou (les mineurs de Potosi en faisaient grande consommation).
    1690 – Le Père Mascardi arrive sur les rives du lac Nahuel Huapi en Patagonie et parcourt la région (80 ans avant l’expédition espagnole de basilio Villarino).
    1692La Province Jésuite du Paraguay compte 249 jésuites dont 73 missionnaires et 1300 esclaves noirs
    1697 – 1707Décade pacifique. Expansion et construction de nouvelles missions guaranis aux abords des fleuves Parana (17) et Uruguay (13) pour un total de 30 missions et 100000 indiens ce qui représente environ 23000 familles).

  8. La Province Jésuite du Paraguay au XVIII (1707 – 1768) : apogée et expulsion

    Autour de 1700 – la Province Jésuite atteint sa forme quasi-définitive. Le nombre maximum de collège est atteint et les missions jésuites guaranis ont finalisé leur expansion et trouvés leur équilibre.
    Les guerres de successions en Espagne et l’accession au trône de la maison Bourbon-Anjou va avoir des répercussions sur la politique extérieur de l’Empire espagnol. De profonds changements dans l’administration coloniale et sa structure vont affecter la Compagnie de Jésus et les autres ordres..

    1720-1730 – Les encomenderos* paraguayens se soulèvent pour protester contre leur impossibilité de faire face à leur besoin matériel en raison de la place des jésuites. A noter, qu’à cette époque ces encomenderos sont pour la plupart des criollos et non plus des espagnols.
    A cette époque nait l’idée dans la littérature de l’époque l’idée d’un « Etat jésuite ». Un qualificatif péjoratif pour des Montesquieu, d’Alembert et Voltaire. Dans ces mêmes esprits des penseurs rationalistes, ils y voient également un aboutissement d’un nouvel ordre social construit selon des plans préconçus. Plus tard, pour un esprit comme Chateaubriand, il sera évoqué sous un aspect romantique et ses aspects positifs sous le signe religieux et esthétique seront mis en valeur.

    Quoiqu’il en soit, beaucoup se réjouissent et exacerbent les conflits entre les Jésuites et les espagnols, calomniés pendant longtemps depuis la parution de la Leyenda Negra (en France parut en 1590 dans un livre intitulé L’Anti-Espagnol) qui présente la colonisation espagnole dans une version sanguinaire d’hommes assoiffés d’or.
    Plus sérieusement, il a été évoqué cet aspect de l’Etat jésuite en raison de sa place dans l’organisation et la législation espagnole coloniale. Par sa répartition géographique à l’intérieur du Vice-royaume il était un allié reconnu et un des bras de la politique de conversion et de pacification des différentes régions comme il avait été demandé par le Pape à l’aube de la colonisation du nouveau monde.

    L’époque se caractérise selon l’historien G. Furlong comme « l’atteinte des objectifs positifs et constructifs » de la colonisation espagnole, dont la compagnie de Jésus est un des éléments“.

    Loin d’être un entreprise statique, la période coloniale sera en perpétuel mouvement et depuis l’extérieur une vision partiale ou réduite, un anachronisme, une anecdote généralisée conduit bien souvent à des conclusions erronées.

    A partir de 1704, Buenos Aires devient un port de commerce plus important (4400 hbts en 1738 et 10000 en 1744, 20000 en 1764) avec notamment une explosion de l’exportation de cuirs et l’importation de main d’œuvre esclave. En conséquence, la ressource bétail d’élevage diminue prodigieusement et met en danger l’économie. Une dispute est ouverte pour savoir à qui appartenaient les troupeaux sauvages de la région (portugais, espagnols, guaranis ?) . Il leur est formellement interdit de chasser le bétail cimarron (sauvage) sauf aux guaranis auxquels on en autorise implicitement le recours pour leur subsistance.
    1704-1705 – L’Espagne déclare la guerre au Portugal (qui durera jusqu’en 1710), une armée composée de 4000 guaranis et de 700 espagnols reprennent Colonia del Sacramento.
    1716 – La Province Jésuite du Paraguay compte 274 jésuites 30 missions qui comprennent 121000 indiens.
    1724 – Avec l’aide des Guaranis des missions, il est fondé Montevideo pour arrêter l’infiltration et l’expansion des portugais dans la région
    1735 – Nouveau siège de Colonia del Sacramento par une armée guarani-espagnole et nouvelle attaque sans succès cette fois. Le conflit latent s’éternise. D’un côté les portugais voient un danger dans la présence des Missions Jésuites protégées par la Couronne espagnole et qui contrarie leur expansion et d’un autre les espagnols prennent conscience du danger portugais, plus nombreux et mieux armés qui menace Buenos Aires et le littoral le long du Rio de la Plata.
    1735 – La Province Jésuite du Paraguay compte 352 jésuites dont 53 dans les missions en 1759
    1740- 1747 – Première tentative de fondation de mission dans la Pampa à 400km au Sud de Buenos Aires -Virgen del Pilar – par le père Falkner – aux environs de Mar del Plata d’aujourd’hui.

    1743 – La Cédula Grande signé par Felipe V approuve une fois de plus les mesures administratives favorables aux Jésuites. Cette signature fait suite à la dénonciation et aux plaintes récurrentes faites auprès du Conseil des Indes contre le statut privilégié des Jésuites et notamment dans les missions (exemptés ou imposition faible).

    1750 – le Traité de Madrid délimite la nouvelle frontière hispano-portugaise qui sera funeste pour les guaranis et la Compagnie de Jésus. Les 7 missions Jésuites (San Luis Gonzaga, San Nicolás, San Borja, San Miguel, San Lorenzo, San Juan Bautista et Santo Ángel) et ses 20 000 indiens guaranis qui s’y trouvent sont condamnés à l’exode forcé. Dans un premier temps la rébellion contre cette mesure qui a suscité l’incompréhension de tous, se transforme en conflit armé – Guerre des Guaranis –  et en 1754 une armée lusitano-espagnole est envoyée pour les déloger. Elle devra s’y reprendre à deux fois pour, en 1756, terminer l’évacuation.
    1756 – La guerre anglo-française se dispute la domination de l’Espagne. Devant les résistances et les plaintes l’Espagne veut apparaitre comme le défenseur des Jésuites et Carlos III annule le traité de Madrid en 1761. Il ordonne la restitution des 7 villages et missions guaranis
    1767 – La “Real Sancion Pragmatica” met fin à la Province Jésuite du Paraguay et décrète l’expulsion des jésuites dans toute la colonie. Elle fait suite aux diverses intrigues dont est l’objet la Compagnie de jésus depuis une dizaine d’années et une propagande anti jésuites. Plusieurs raisons poussent les autorités à prendre cette mesure somme toute brutale:

    • Les accusations de syncrétisme religieux en Chine
    • La jalousie d’autres congrégations notamment pour sa prédominance dans l’éducation
    • Les suspicions au regard de sa bonne santé économique et financière
    • La politique ecclésiastique régalienne des Bourbons
    • L’influence également de cette décision avec l’expulsion de France (1764) et du Portugal (1766)

    L’arrêté d’expulsion transmis, la décision est aussitôt appliqué. Les Compagnons de Jésus sont regroupés avant d’être embarqués à Buenos Aires pour prendre le large, les derniers quittant le territoire en 1768. On les retrouvera notamment auprès à la cour de Russie qui bénéficia de leurs savoirs dans les disciplines scientifiques et économiques notamment, en Italie à Imola également.

    Sans cette expulsion, la Compagnie de Jésus aurait continué son œuvre missionnaire puisqu’elle entretenait depuis plusieurs années le projet de descendre vers le Sud, le long de la côté atlantique pour établir des missions jusqu’au détroit de Magellan. La Province Jésuite du Paraguay s’étendait depuis le Asunción (Assomption) jusqu’au 35° de latitude Sud. En rejoignant le Sud austral elle aurait atteint le 52°S en implantant des Missions tous les 200km environ…

    La Compagnie de Jésus a été constamment imbriqué dans la structure du Vice-royaume de l’Alto Peru dont ils dépendaient. Elle a activement participé à son développement tant sur un plan politique, social, culturel et économique que sur un plan religieux. Les espagnols l’ont amené et finalement les ont renvoyé.

    Par la suite, les ex-missions jésuites des guaranis ont été confiées aux franciscains mais ils ne pourront maintenir les indiens qui retourneront pour la plupart à leur état naturel.
    Quand aux édifices, ceux des estancias furent pillés, les collèges et églises confisquées, plus tard les édifices des missions on commencé à souffrir de l’épreuve du climat mais ce sont surtout les guerres de frontières entre l’Argentine le Brésil et le Paraguay à la fin du XIXe qui leur firent subir les plus grands dommages et l’état dans lequel elles sont aujourd’hui en témoigne.

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    III – La répartition géographique des Collèges, Estancias et Missions Jésuites

    La Province Jésuite du Paraguay forme une entité. Les vestiges qui subsistent aujourd’hui et qui sont classés au Patrimoine de L’UNESCO sont très distants entre eux et apparaissent déliés alors qu’en réalité le gouvernement de ce tissu politico-économique et religieux forme un tout.

    Rattachés à tel ou telle Province ou gouvernance selon le découpage de chaque époque, l’ensemble était régit par une hiérarchie dont le centre nerveux était Cordoba. La Province Jésuite du Paraguay est soumise au pouvoir et aux décisions de la Couronne espagnole, tantôt avec les représentants locaux et ses plus hautes autorités, tantôt avec le Conseil des Indes basé à Séville.

    • La “Manzana de las Luces” et les Estancias Jésuites de Buenos Aires
    • Les Missions Jésuites Guaranis au Paraguay
    • Les collèges d’Asuncion et les Estancias Jésuites du Paraguay
    • La “Manzana jesuitica” de Cordoba et les Estancias Jésuites de Cordoba
    • Des collèges à Santiago du Chili (1595), Mendoza, Santa Fé, Tucuman (1613), Corrientes, San Luis, San Juan, La Rioja…
    • Des missions en Uruguay auprès des Charruas à partir de 1625
    • Des missionnaires jésuites ambulants parcourent toute cette immense région, jusqu’à l’île de Chiloé (Chonos), les rives du Nahuel Huapi (Pehuenche), Lihue Calel et la Pampa (Puelche), Chaco (Mocovi) qui ont eut des succès divers en fonction des particularités locales.

    Des monuments historiques classés au Patrimoine de l’Unesco:

    1. Les Estancias Jésuites de Cordoba (voir article dédié)
    2. Les Missions Jésuites Guaranis (voir article dédié)

    *Encomienda/Encomendero : en français commanderies/commandeurs. Les espagnols mettent en place le régime d’encomiendas qui permet aux colons d’utiliser les indiens comme main d’œuvre pour exploiter les terres de leur domaine. Grâce aux pressions exercées par les religieux, des ordonnances, lois et principes à respecter sont énoncées au cours du XVIe siècle pour soulager les populations indigènes des excès de certains encomenderos.
    ** Estancia: en Argentine il se définit comme la hacienda, un domaine rural destiné à la culture ou à l’élevage.

    ange
    Sources Bibliographiques:

    • Magnus Mörner, Actividades Politicas y Economicas de los Jesuitas en el Rio de la Plata, Hyspamerica 1985
    • Guillermo Furlong (S. j.), Misiones Jesuíticas. (Historia de la Nación Argentina, Buenos Aires, El Ateneo, 1955)
    • Historia de la Provincia del Paraguay de la Compania de Jesus par le P. Nicolas del Techo (N. du Toict 1611-1685)
    • Guillermo Furlong– Cartografía jesuítica del Río de la Plata, Facultad de Filosofía y Letras, Buenos Aires 1936; Los jesuitas y la cultura rioplatense, Montevideo 1933; “Misiones y sus pueblos de guaraníes”-
    • Leopoldo Lugones – El Imperio Jesuítico – 1904
    • Enrique Planas – Los jesuitas en el Río de la Plata: historia de las misiones en la época colonial
    • P. José Cardiel – Misiones del Paraguay
    • Histoire du Paraguay. Par le R. P. Pierre François-Xavier de Charlevoix, de la compagnie de Jesus 1756
    • Pedro Lozano – Historia de la Compania de Jesus
    • P. Pablo Hernández – Organización social de las doctrinas guaraníes de la Compañía de Jesús
    • Martin de Moussy – Mémoire historique sur la décadence et la ruine des Missions Jésuites dans le bassin de la Plata – 1865

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