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Lucio Victorio Mansilla > Une excursion au pays des Ranqueles

Mansilla Ranqueles
En 1870, le colonel Lucio Victorio Mansilla (Buenos Aires 1831-Paris 1913; neveu du Restaurador Juan Manuel Rosas) commandait les forces armées nationales établies dans la province de Córdoba à  la frontière avec les indiens. Différentes tribus  guidées par des caciques dont Paguitruz  Guor (o Gner, qui signifie renard chasseurs de pumas, +/-1820 – 1877, dont le nom chrétien Mariano Rosas lui a été donné par son parrain), représentant des indiens Ranqueles (Rankul). Des indiens guerriers coutumiers des malón, des razzias sur les estancias et villages voisins pour capturer femmes et bétails qui étaient ensuite revendus et passés au Chili. Ainsi le colonel Mansilla est mandaté par le gouvernement Sarmiento pour trouver un terrain d’entente et obtenir des accords de paix et d’amitiés. Il se rend de sa propre initiative et à  ses risques et périls au cœur des campements indiens accompagnés d’officiers subalternes et de moines franciscains pour traiter personnellement avec Mariano Rosas.

Revenu à  Buenos Aires il fait paraitre des notes hebdomadaires dans un grand quotidien national de l’époque (La Tribuna) relatant son incursion et sa rencontre avec les indiens. Il connait un grand succès auprès du grand public grâce au pittoresque du sujet, à  la vivacité du style. Il en naîtra un livre  qui appartient au grand classique de la littérature argentine du XIXème siècle. Il reçoit pour cette ouvrage le premier prix Congrès de la Société Internationale de Géographie à  Paris en 1875.
Mansilla
A sa troisième édition en 1890, son neveu Daniel Garcia Mansilla en écrit la préface. Elle est écrite en français  et nous conservons son texte original:

Préface
En général, on lit peu les préfaces: je dirai donc que c’est dans cette heureuse sécurité que je m’enhardis à  écrire celle-ci.
Les livres de science, les romans à  thèse, d’autres ouvrages encore d’une nature spéciale et nouvelle, allient le plus souvent une préface, destinée à  jeter de la lumière sur des points obscurs, à  justifier certaines conclusions, certaines situations délicates, ébauchées à  dessein, en un mot, à  mettre le lecteur au diapason et l’autour à  l’abri des projectiles de la critique. Ce n’est nullement le cas ici. “Los Ranqueles” n’ont pas besoin de préface et je ne prétends ni ajouter ni préparer à  une lecture dont le premier charme est principalement dans son originalité même: il suffit de commencer pour s’en convaincre.
Je ne suis qu’un poète. Je ne me donne pas pour un prosateur et je serais désolé à  la pensée que l’on puisse croire à  la moindre recherche de style de ma part ou, simplement, au prétexte d’étaler des phrases; j’ai été tenté par une aussi belle occasion de pouvoir dire tout haut, et tout le monde, combien ce livre m’a amusé, tout seul et tout bas. Je ne suis pas des vers, non, mais il se détache de ces pages vécues, une si haute et si vraie image de la nature américaine dans ce qu’elle a de plus recélé et de plus personnel; le caractère de ses premiers enfants `longue chevelure, qu’elles m’ont communiqué une profonde émotion, un intérêt si puissant que je ne doute point qu’elles doivent captiver un lecteur quelque peu passionné. Et n’est-ce pas une chose curieuse de suivre pas à  pas, à  travers ces récits que l’on sent fidèles, ce jeune et brillant officier, ce type de la civilisation la plus raffinée et la plus moderne, jusque dans le campement de ces étranges maîtres du désert tout à  tour fourbes et généreux, naà¯fs ou terribles, sous le vol de leurs passions!
Je ne parlerai point de l’éclat du style ni du mouvement du dialogue, n’ayant pas pour habitude de donner des leçons à  qui en sait plus long que moi; qu’il me suffise de dire que “Los Ranqueles” figurent dans la liste des auteurs classiques Espagnols et qu’ils ont été traduits en plusieurs langues.
à‡a este là , une pointe de philosophie doucement railleuse, un je ne sais quoi d’insouciant et de Quichottesque, une prédilection immodéré de l’antithèse, un entrain toujours soutenu permettent de reconnaître l’auteur, de telle sorte que, si le manuscrit original était tombé, anonyme, dans les rues de Buenos Aires, il n’eut pas été malaisé des mettre au bas la vraie signature: il n’y a pas deux hommes dans ce pays qui pourraient écrire ce livre là , je dirai plus, on écrit une fois “Los Indios Ranqueles”, on ne les recommence pas.
J’ais lu ce livre en une seule nuit, comme j’ai lu Monte-Christo , j’étais arrivé á la dernière page, et à la dernière ligne, que je lisais encore, je rêvais plutôt, perdu dans le charme infini de cette puissante évocation, et voici que la figure d’un autre célèbre voyageur s’est dressée devant moi, accompagnée d’un cortège de noirs dans les splendeurs d’un paysage inconnu… je pensais à  Stanley… revenant de l’Afrique Centrale… mais j’oubliais, ami lecteur, que vous n’avez pas encore lu ce livre… commencez donc, et vous m’en donnerez des nouvelles.
Daniel Garci­a Mansilla
Buenos Aires, 25 Septembre, 1890.

édition française: Une excursion au pays des Ranqueles – Lucio Victorio Mansilla – Ed. Christian Bourgois, 2008 . Une belle édition agrémentée d’une vingtaine de photos, tableaux et portraits d’époque ainsi qu’une carte topographique de la frontière.

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