
L’Antarctique est une terre qui a été officiellement découverte sur le tard, au XIXe siècle. Et pourtant, en étudiant des cartes anciennes, le continent Terra Australis Incognita est bien souvent représenté et selon des contours très proches de ce que l’on peut connaitre aujourd’hui. Les grecs eux-mêmes en avaient déduit l’existence aux antipodes de l’Arctique. Histoire d’une découverte dans laquelle les protagonistes sont des explorateurs audacieux.
Explorations européennes vers l’hémisphère sud (XVe–XVIIe siècles)
Début du XVe siècle : Les Européens ignorent presque tout de l’hémisphère sud.
- Vers 1420 : Les Portugais, sous l’impulsion du prince Henri le Navigateur, explorent méthodiquement la côte ouest de l’Afrique.
- 1488 : Bartolomeu Dias franchit le Cap de Bonne-Espérance, prouvant qu’on peut contourner l’Afrique pour rejoindre l’Asie.
- 1520 : Fernando de Magellan, au service de l’Espagne, découvre le détroit de Magellan en contournant l’Amérique du Sud. Il meurt aux Philippines, mais son expédition devient la première circumnavigation du globe (1522), dirigée à la fin par Juan Sebastián del Cano.
Cette expédition confirme la rotondité de la Terre et la nécessité d’une ligne de changement de date. - 1526: Francisco de Hoces aurait été emporté vers le sud depuis le détroit de Magellan jusqu’à 56° de latitude sud. Il découvre le passage de Drake ou Mer de Hoces.
- 1578: Francis Drake en dérivant découvre un océan au sud de l’Amérique du Sud.
- 1603: Le navigateur et explorateur espagnol Gabriel de Castilla découvre les iles Shetland du Sud
- 1616 : Schouten et Lemaire passent le Cap Horn, démontrant que la Terre de Feu n’est pas un continent, et qu’il existe une autre voie au sud du détroit de Magellan.
- Début du XVIIe siècle : Depuis Batavia (Jakarta), les Hollandais de la VOC (Compagnie des Indes orientales) explorent l’océan Indien et le Pacifique Sud, découvrant peu à peu le littoral de l’Australie.
- 1642–1643 : Le navigateur néerlandais Abel Tasman, partant de l’île Maurice, découvre successivement la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande, puis les îles Tonga et les Fidji, sans apercevoir l’Australie. Il réalise ainsi le premier contournement connu du continent australien.
- 1679 : Une carte imprimée à Amsterdam par Nicolaas Visscher montre les grands progrès cartographiques et une révision à la baisse des hypothèses sur l’existence de Terra Australis, un continent austral imaginaire.
Les navigations restent dans la frange des 40° rugissants et des 50° hurlants, elles n’ont aucun intérêt à aller naviguer plus vers le sud inconnus et potentiellement mortel pour les équipages. Ce n’est que presqu’un siècle plus tard que les grandes explorations, tour du monde et circumpolaire apparaitront en passant par le Cap à la pointe de l’Afrique et au départ de l’île de France (aujourd’hui l’ile Maurice).
Première circumnavigation de la Terra Australis (fin XVIIIe)
Le XVIIIe voit les britanniques et les français organiser des expéditions au long cours pour continuer la découvertes des hautes latitudes de l’hémisphère sud avec plus ou moins de succès. Les britanniques bénéficient d’une meilleure préparation quand l’improvisation domine chez les français.
- 1739: Jean-Baptiste Charles Bouvet de Lozier – découvre l’ile Bouvet dans l’ocean Atlantique au sud-sud-ouest du cap de Bonne-Espérance.
- 1770: James Cook, navigateur britannique part pour son premier voyage : Il prouve que la Nouvelle-Zélande est composée de deux grandes îles, et non la pointe d’un continent inconnu. Grâce aux précautions empiriques, aucuns de ses marins ne décèdera du scorbut qui décimait jusqu’alors les équipages. Cela entrouve de nouvelles possibilités pour les navigations au long cours
- 1771: Yves-Joseph de Kerguelen-Trémarec découvre les iles Kerguelen
- 1772 : Marc Joseph Marion du Fresne découvre l’île Marion et l’île Crozet
- Deuxième voyage de James Cook (1772–1775), sa mission est de rechercher le continent austral. Il utilise un chronomètre de marine (copie de celui de John Harrison), prouvant la fiabilité de la détermination de la longitude en mer. Cook commande le HMS Resolution, accompagné du HMS Adventure (Tobias Furneaux). Il est le premier à franchir le cercle polaire (66°33′ 44″ S), par trois fois au cours de cette navigation sans jamais apercevoir l’Antarctique. En naviguant dans des conditions extrêmes, il atteint 71°15’S 106° 54′ W de latitude Sud. Sur le retour, il redécouvre la Géorgie du Sud et il aperçoit une côte, la “Thule Australe”, puis une série de pics neigeux qu’il appela Terre de Sandwich (îles Sandwich du Sud actuelles) et retourne en Angleterre le 30 juillet 1775.
À l’issue de ce voyage, l’Antarctique est désormais considéré comme confiné au sein du cercle polaire, recentrant les spéculations géographiques autour de cette zone précise.
Les premiers pas sur la Terra Australis (fin XVIIIe-milieu du XIXe siècle)
Phoquiers et de baleiniers
À la fin du XVIIIe siècle, dans le sillage des découvertes des îles subantarctiques et du second voyage de James Cook, de nombreux navires – majoritairement britanniques et américains – se lancent dans les eaux de l’océan Austral pour y chasser le phoque et la baleine. Ces campagnes de chasse qui durent 3 ans généralement, s’organisent depuis les iles Shetland du Sud (Malouines, Géorgie du Sud et Sandwich sont aussi des bases), menées sans encadrement scientifique, laissent penser que certains capitaines ont pu découvrir de nouveaux territoires sans révéler leur position, dans le but de préserver l’exclusivité de leurs zones de chasse.
Dans cette ruée vers les confins du Sud, William Smith est le premier à revendiquer la découverte des îles Shetland du Sud. En 1819, il y plante le drapeau britannique. L’année suivante, plusieurs navires chasseurs de phoques mettent également le cap sur cet archipel. Parmi ces phoquiers, le pilote Nathaniel Palmer et son capitaine Edward Bransfield serait, selon les sources, le premier à avoir atteint les côtes de la péninsule Antarctique dans le détroit qui porte son nom.
La découverte officielle du continent antarctique en l’année 1820 se partage ainsi entre Palmer/Bransfield et Bellinghausen.
En 1823, James Weddell, lui aussi engagé dans une mission de chasse au phoque, mène un voyage qui tient davantage de l’exploration. Profitant de conditions météorologiques exceptionnellement favorables, il parvient à naviguer en mer libre jusqu’à la latitude record de 74° 15′ Sud, dans la zone maritime qui porte désormais son nom : la mer de Weddell. Sa navigation à de si hautes latitudes a un si fort retentissement, que pour lui rendre hommage Weddell est le nom d’une île, un cap, un phoque, une mer…
Le voyage du russe Fabian Gottlieb von Bellingshausen (1819-1821) reprend le flambeau des grandes expéditions australes sur les traces de James Cook. À la demande du tsar Alexandre Ier, deux navires sont envoyés vers les mers du Sud : le Vostok et le Mirnyi. L’expédition, placée sous le commandement de von Bellingshausen, met le cap vers le sud en juillet 1819, faisant escale en Angleterre, en Argentine et en Géorgie du Sud.
Le 27 janvier 1820, par 69° de latitude Sud, Bellingshausen aperçoit une imposante barrière de glace : il s’agit en réalité des côtes du continent antarctique. Son premier voyage s’achève en avril 1820 à Sydney. Après des réparations et le renforcement des coques des deux navires à l’aide de plaques de cuivre, l’expédition reprend la mer le 11 novembre 1820.
Le 21 janvier 1821, Bellingshausen découvre l’île Pierre Ier, puis, une semaine plus tard, le 28 janvier, il aperçoit une terre dominée par des montagnes partiellement déneigées qu’il baptise île Alexandre. Située à environ 32 kilomètres du continent, l’équipage la prend alors pour une partie de l’Antarctique. Tout au long de son périple dans l’océan Austral, Bellingshausen croise à plusieurs reprises des phoquiers américains et britanniques.
Après avoir pratiquement contourné le continent, les deux navires font escale à Rio en mars 1821 avant de regagner Kronstadt le 4 août de la même année. Malgré l’importance scientifique et géographique de cette expédition, elle passe largement inaperçue à l’époque et suscite peu d’intérêt en Russie, contrastant avec la notoriété des voyages de Cook.
Bellinghausen est considérée aujourd’hui comme le premier navigateur antarctique.
Autour de 1840, trois expéditions scientifiques se rendent en Antarctique, commandées par Jules Sébastien César Dumont d’Urville pour la France, Charles Wilkes pour les Etats-Unis et James Clark Ross pour l’Angleterre. Chacune de ces trois expéditions va s’approcher du Pôle Sud magnétique et découvrir un secteur de la côte du continent.
Le français Jules Dumont d’Urville est missionné par Louis-Philippe découvrira en 1840 la terre Adélie par 67° de latitude Sud et 136° Est.
Presqu’un demi-siècle va s’écouler sans que l’Antarctique présente d’intérêt à être exploré et leur coût n’est plus justifié. Le temps est aux transocéaniques des rapides clippers qui voient un ballet permanent de flux humains et de marchandises sur la route entre les latitudes 40° et 50°S qui passent le cap Horn et la cap de Bonne Espérance entre l’Europe, la côte Ouest des Etats-Unis et l’Australie en plein essor. Une route qui sera rendu plus rapide, plus sûre et moins coûteuse grâce au Canal de Suez (1859) et la fin de la grande époque des cap horniers en 1911 avec l’apparition du canal de Panama. Les Steamer envahissent les routes de navigations commerciales et la fin des énormes quatre et cinq-mâts barque est proche.
Les premiers hivernages en Antarctique (fin XIXe)
À la fin du XIXe siècle, l’exploration antarctique entre dans une nouvelle ère : les navires sont désormais équipés de moteurs à vapeur d’appoint, et la photographie remplace progressivement le dessin et la peinture comme outil de documentation. Les nouveaux instruments scientifiques destinés aux observations océanique, météorologique, bathymétrique, occupent une grande place et motivent la soif de connaissance qui anime la société européénne en pleine ébullition. Deux expéditions marquent un tournant en devenant les premières à hiverner au sud du cercle polaire antarctique.
L’expédition d’Adrien de Gerlache de Gomery (1897-1899)
Le 3 mars 1898, par 71° 30′ Sud, le navire Belgica, commandé par Adrien de Gerlache de Gomery, officier de la Marine Royale Belge, est pris dans les glaces de la mer de Bellingshausen. Prisonnière de la banquise, l’expédition dérive pendant douze mois, dont soixante-trois jours dans la nuit polaire. Pour se libérer, l’équipage devra recourir à des scies, haches et explosifs.
Ce séjour contraint fait de l’expédition Belgica la première à hiverner au sud du cercle polaire antarctique. À bord se trouvent deux futurs grands noms de l’exploration polaire : Frederick A. Cook, qui prétendra avoir atteint le pôle Nord en 1908, et Roald Amundsen, qui deviendra le premier homme à atteindre le pôle Sud en 1911.
Grâce à Gerlache (et malgré lui), la nuit polaire est vaincue et cela motive les futures expéditions à hiverner pour assurer une continuité des observations et relevés scientifiques. Il faudra cependant faire attention aux syndromes liés à la langueur des hivers polaires et à l’alimentation pour éviter le risque d’avoir le béribéri.
L’expédition de Carsten E. Borchgrevink (1898-1900)
En 1895 Henryk Bull et le norvégien Carsten Borchgrevink un jeune diplomé opportuniste, partis d’Australie, ils atteignent la mer de Ross au Cap Adare. Carsten Borchgrevink y revient en 1899 pour y passer l’hiver et envisager des expéditons à l’intérieur des terres qui seront contrariées par la présence d’une barrieère montagneuse.
Financée par un éditeur britannique, l’expédition de 1899 menée par Borchgrevink a pour objectif de passer l’hiver directement sur le continent antarctique. À bord du Southern Cross, l’équipe atteint le cap Adare, en mer de Ross, le 17 février 1899. Dix hommes débarquent et installent un refuge préfabriqué. Pour la première fois, des chiens polaires sont utilisés en Antarctique, au nombre de soixante-quinze.
Le Southern Cross repart vers le nord et ne reviendra qu’un an plus tard, le 28 janvier. L’expédition poursuit ensuite l’exploration de la mer de Ross, longeant la barrière de glace. Elle découvre la baie des Baleines, un point d’accès favorable à la barrière.
Grâce aux chiens et aux traîneaux, un groupe atteint la latitude de 78° 50′ Sud, un record à l’époque. La baie des Baleines deviendra un point stratégique : c’est de là que Roald Amundsen lancera son expédition victorieuse vers le pôle Sud en 1911.
Les expéditions scientifiques (début XXe)
Nous retiendrons Jean-Baptiste Charcot à qui l’on doit le relevé de 3000km de côtes de la Péninsule Antarctique au cours de deux expéditions.
Jean-Baptiste Charcot et la première expédition antarctique française (1903-1905)
Médecin devenu explorateur, Jean-Baptiste Charcot fit de l’exploration polaire une véritable mission nationale. Il entreprit sa première expédition à bord du Français, une goélette construite à ses frais pour cette aventure. Au cours de ce voyage le long de la côte ouest de la péninsule Antarctique, Charcot découvrit le chenal Peltier, l’île Doumer, le port Lockroy et la Terre de Loubet. Il réalisa également le premier débarquement confirmé sur la côte ouest de la péninsule, au cap Tuxen, et cartographia plus de 600 miles (environ 965 km) de côtes, notamment celles de l’archipel Palmer. L’expédition permit la collecte d’importantes données scientifiques dans divers domaines. Charcot offrit ainsi à la France une place inédite dans les affaires antarctiques. Le Français échappa de peu au naufrage après avoir heurté un rocher.
Jean-Baptiste Charcot et la deuxième expédition antarctique française (1907-1909)
Pour sa seconde expédition, Charcot fit construire une nouvelle goélette, le Pourquoi-Pas ?, cette fois soutenu financièrement par le gouvernement français. Poursuivant ses travaux le long de la péninsule Antarctique, il découvrit les baies Pendleton et Matha, cartographia l’essentiel de l’île Adélaïde, explora les terres situées au sud et à l’est de celle-ci, gravit un sommet sur l’île Jenny et réalisa les observations les plus proches jamais effectuées de l’île Alexandre. Il fut également le premier à apercevoir l’île Pierre Ier depuis sa découverte par Bellingshausen. En tout, Charcot cartographia environ 1 250 miles (près de 2 000 km) de côtes, ajoutant plus de 200 miles (320 km) à la cartographie de la côte de la Terre de Graham. Là encore, l’expédition permit de récolter une masse considérable de données scientifiques. Et comme lors de la première mission, le navire manqua de peu le naufrage après avoir percuté un rocher.
Erich Drygalski et l’expédition antarctique allemande (1901-1903)
Erich von Drygalski, professeur de géographie et de géophysique à l’université de Berlin, dirigea la première grande expédition scientifique allemande en Antarctique, financée par le gouvernement impérial. Un détachement conduit par le météorologue et alpiniste Joseph Enzensperger installa une station secondaire sur les îles Kerguelen.
Le groupe principal établit son camp d’hivernage à bord du Gauss, immobilisé par les glaces sur la côte Guillaume II. Dans cette région désertique, seul le Gaussberg, un promontoire rocheux, émergeait de la glace. Bien que confinés autour du navire, les scientifiques réussirent à collecter une importante quantité de données dans des domaines variés.Pour se libérer de la banquise, l’équipage recourut à une méthode originale : ils répandirent des cendres et des déchets absorbant la chaleur sur la glace, accélérant ainsi sa fonte et permettant au Gauss de se dégager.
Otto Nordenskjöld et l’expédition antarctique suédoise (1901-1903)
L’expédition dirigée par Otto Nordenskjöld, entièrement dédiée à la science, fut l’une des plus marquantes de cette époque. À bord du navire Antarctic, commandé par Carl A. Larsen, l’équipe explora la côte ouest de la péninsule Antarctique, démontrant notamment que les détroits d’Orléans et de Gerlache formaient un passage continu, et que la péninsule Trinity était reliée à la côte de Danco.
L’Antarctic fut le premier navire à franchir le détroit antarctique entre l’île Joinville et la péninsule Trinity, atteignant ainsi la côte orientale de la péninsule. L’équipe établit une cabane sur l’île Snow Hill et y mena des recherches approfondies, devenant les premiers à débarquer sur cette portion de côte. Ils prouvèrent aussi que le détroit Herbert était connecté au chenal Prince Gustav, et mirent en évidence des similarités géologiques entre l’extrémité sud de l’Amérique du Sud et le nord de la Terre de Graham.
Lors de la saison suivante, le navire revint pour récupérer les hommes de Snow Hill, mais trouva le passage bloqué par les glaces. Une équipe fut alors déposée à Hope Bay. En tentant une seconde approche, le Antarctic fut écrasé par les glaces, contraignant son équipage à hiverner sur l’île Paulet, où un homme mourut. Après une année difficile pour les trois groupes dispersés, tous furent finalement réunis et secourus par la marine argentine à bord de l’Uruguay.
En 1903-1904, l’écossais William Speirs Bruce avec le Scotia mène la deuxième expédition du Scottish National Antarctic Expedition (SNAE) en mer de Weddell et atteint 74°01’S. C’est au cours de cette expédition qu’il est capable de délimiter l’existence d’une terre qu’il nomme Terre de Coats (James et Andrew Coats sont deux membres importants de l’expédition) sur la rive est de la mer de Weddell.
De 1900 à 1915, pas moins de 13 expéditions se rendent en Antarctique : cinq britanniques, deux allemandes, deux françaises, une suédoise, une norvégienne, une japonaise et une australienne. Tacitement, la Mer de Ross, passage obligé pour la conquête du Pôle Sud, est une chasse gardée des Britanniques. Roald Amundsen n’hésite toutefois pas à y pénétrer en 1911.
La conquête du Pôle Sud (1911)
L’histoire de la découverte sera complète quand les plus audacieux sont déterminés à rejoindre le Pôle Sud.
C’est à partir de la fin du XIXe siècle que des projets visant la conquête du Pôle Sud sont élaborés.
Viendra la grande période des expéditions périlleuses emmenées par Robert Falcon Scott, Ernest Henry Shackleton, et finalement Roald Amundsen qui atteint le Pôle Sud le 14 décembre 1911.
Roald Amundsen : Expédition Fram (1910-1912)
Explorateur chevronné, Roald Amundsen a déjà participé à l’expédition antarctique du Belgica (1896–1899) et a réussi le premier passage intégral du Nord-Ouest (1903–1906). Initialement, il ambitionne d’atteindre le Pôle Nord, mais l’annonce controversée de l’exploit par les Américains Frederick Cook (1908) et Robert Peary (1909) l’amène à revoir ses plans.
Avec l’appui de Fridtjof Nansen, Amundsen obtient l’usage du Fram, un trois-mâts robuste équipé d’un moteur diesel. Fidèle à sa conviction que le traîneau à chiens est le moyen de transport le plus efficace en milieu polaire, il embarque plus de 100 chiens groenlandais. Le 9 août 1910, le Fram quitte la Norvège. À l’escale de Madère, Amundsen révèle pour la première fois son véritable objectif : le Pôle Sud. L’information atteint rapidement Robert Falcon Scott, son concurrent britannique.
Le Fram arrive dans la Baie des Baleines le 14 janvier 1911. Amundsen et ses huit compagnons construisent rapidement leur base, Framheim, sur la barrière de Ross. Le navire repart ensuite pour Buenos Aires. Avant le début de l’hiver austral, trois dépôts de vivres sont établis à 80°, 81° et 82° Sud, jalonnant l’itinéraire prévu.
Pendant l’hiver, l’équipe améliore soigneusement tout son matériel : traîneaux, tentes, harnais, vêtements, lunettes… Amundsen, homme méticuleux, veille aux moindres détails. Un premier départ le 8 septembre échoue à cause du froid intense. Le départ définitif a lieu le 19 octobre 1911, avec cinq hommes, quatre traîneaux et 52 chiens.
En suivant un itinéraire différent de celui des Britanniques, Amundsen progresse rapidement et sans difficulté sur la barrière de Ross. Il franchit le glacier Axel Heiberg et atteint le plateau polaire, à plus de 3 000 m d’altitude, le 21 novembre. La moitié des chiens est alors sacrifiée pour nourrir le reste de l’équipe.
Le 14 décembre 1911, les Norvégiens atteignent le Pôle Sud. Ils y restent trois jours, explorent les environs et multiplient les mesures de position. Avant de repartir, ils laissent une tente baptisée Polheim, contenant une lettre pour Scott et une autre pour le roi de Norvège, Haakon VII.
Guidés par leurs balises soigneusement placées à l’aller et ravitaillés grâce à leurs dépôts stratégiques, les cinq hommes regagnent Framheim en excellente forme le 25 janvier 1912, après un périple de 3 000 km en 99 jours. Le Fram, revenu entre-temps, les emmène vers l’Australie. Le 7 mars, Amundsen annonce officiellement son succès depuis Hobart (Tasmanie), précédant de 5 semaines l’arrivée de Scott.
Robert F. Scott : Expédition Terra Nova (1910-1912)
Après avoir été évincé de la scène médiatique par Ernest Shackleton, Robert Falcon Scott ressent le besoin de reprendre l’initiative et d’organiser une nouvelle expédition vers l’Antarctique. Le financement s’avère difficile : Scott doit se contenter d’un vieux baleinier, le Terra Nova, bien peu adapté à l’ampleur de l’entreprise. Le navire quitte l’Angleterre en juin 1910.
À Melbourne, le 12 octobre 1910, Scott apprend par un télégramme énigmatique que Roald Amundsen a changé ses plans et fait lui aussi voile vers l’Antarctique. Malgré cette révélation, Scott poursuit sa route. L’expédition quitte Port Chalmers (Nouvelle-Zélande) le 29 novembre avec 19 poneys de Mandchourie, 30 chiens, et trois véhicules motorisés à chenilles.
L’accès à la mer de Ross est difficile, nécessitant 21 jours pour franchir les glaces. L’équipe établit ses quartiers d’hiver au Cap Evans, dans la baie de McMurdo. Le débarquement est chaotique : l’un des véhicules s’enfonce directement au fond de la mer.
À l’instar d’Amundsen, Scott installe des dépôts de ravitaillement sur la barrière de Ross. Mais il utilise les poneys, peu adaptés aux conditions extrêmes. L’animal ralentit la progression et s’épuise rapidement. Le dépôt le plus avancé, One Ton Depot, est placé à 79° 29′ Sud. Dix poneys seulement survivent à l’aller.
Contrairement à Amundsen, Scott divise les forces de son expédition, s’éparpillant dans plusieurs projets scientifiques. Sa stratégie pour atteindre le Pôle repose sur un système pyramidal, où des équipes de soutien font demi-tour à intervalles prévus, tandis qu’une équipe réduite progresse vers le but final. Le 24 octobre 1911, les deux véhicules motorisés partent en éclaireurs, mais sont rapidement abandonnés à cause de problèmes mécaniques. Le 1er novembre, Scott et ses hommes quittent Cap Evans avec les poneys et les chiens. Le 9 décembre, au pied du glacier Beardmore, les cinq derniers poneys sont abattus. Les attelages de chiens sont renvoyés à la base ; Scott continue avec 11 hommes à pied pour l’ascension du glacier.
Le 21 décembre, à 2 150 m d’altitude, quatre hommes font demi-tour. Le 4 janvier 1912, trois autres les rejoignent sur le chemin du retour. Scott conserve avec lui quatre compagnons : Edward Wilson, Henry Bowers, Lawrence Oates et Edgar Evans.
Le 17 janvier 1912, les cinq hommes atteignent enfin le Pôle Sud. Ils y trouvent la tente d’Amundsen, une lettre et des preuves de son passage 34 jours plus tôt. La déception est immense.
Le retour débute aussitôt, mais les hommes sont épuisés, sous-alimentés, et confrontés à des conditions météorologiques sévères. L’un après l’autre, ils périssent : Evans meurt en février ; Oates, affaibli, quitte volontairement la tente dans une tempête le 17 mars en déclarant : « Je sors peut-être pour un certain temps. »
Scott, Wilson et Bowers meurent sans doute quelques jours plus tard, le 29 mars 1912, coincés dans leur tente à seulement 20 km du One Ton Depot, trop loin pour espérer un secours. Une équipe de recherche découvre la tente le 12 novembre 1912, contenant les corps de Scott, Wilson et Bowers, ainsi que leurs carnets, lettres et journaux de bord. Ces documents feront le tour du monde et érigeront Scott au rang de héros tragique.
Ernest H. Shackleton : Expédition Endurance (1914-1917)
Après la conquête du Pôle Sud par Amundsen en 1911, Ernest Shackleton se lance un nouveau défi : traverser l’Antarctique de part en part, de la mer de Weddell à la mer de Ross, via le Pôle Sud. Ce projet, initialement proposé par Wilhelm Filchner, est repris par Shackleton et financé essentiellement par des fonds privés. Deux navires sont mobilisés :
- L’Endurance, construit spécialement en Norvège pour affronter les glaces de la mer de Weddell.
- L’Aurora, acheté pour déposer des ravitaillements sur la barrière de Ross, côté opposé du continent.
Malgré le début de la Première Guerre mondiale, Shackleton quitte l’Angleterre le 5 août 1914. Il fait escale en Géorgie du Sud, puis met cap au sud le 5 décembre en direction de la baie de Vahsel. Mais l’Endurance n’y parviendra jamais : dès le 19 janvier 1915, il est pris dans les glaces à 76° 34′ Sud. Prisonnier du pack, il dérive lentement dans la mer de Weddell.
Après dix mois de lutte contre les glaces, le navire cède à la pression. Il est évacué le 26 octobre puis coule le 21 novembre 1915. Shackleton et ses 27 hommes installent un camp de fortune sur la banquise dérivante. À mesure que la glace fond, ils prennent place dans trois canots de sauvetage le 9 avril 1916, et atteignent l’île de l’Éléphant le 15 avril.
Isolés et sans espoir de secours, Shackleton choisit d’aller chercher de l’aide. Le 24 avril 1916, il embarque sur le canot James Caird avec cinq compagnons. Après 16 jours de navigation périlleuse, ils atteignent la Géorgie du Sud, mais sur la côte opposée aux stations baleinières. Shackleton, Worsley et Crean traversent l’île à pied en 36 heures, dans des conditions extrêmes, pour rejoindre Stromness.
Shackleton organise aussitôt les secours. Après trois tentatives infructueuses, il parvient enfin, à bord du Yelcho, un navire chilien, à secourir les 22 hommes restés sur l’île de l’Éléphant le 30 août 1916, sans qu’aucun homme ne soit mort durant cette épreuve héroïque.
Pendant ce temps, le groupe de soutien quitte Hobart le 24 décembre 1914 à bord de l’Aurora pour la mer de Ross. Un dépôt de vivres est installé à 80° Sud, mais le 6 mai 1915, l’Aurora est arraché de son ancrage à Cap Evans par une tempête et dérive dans la glace pendant plus de 10 mois. Il parvient à sortir du pack en mars 1916 et rentre à Port Chalmers (Nouvelle-Zélande) le 3 avril.
Malgré le manque de navire, les hommes restés à terre poursuivent leur mission : ils installent les dépôts de vivres jusqu’à 83° 30′ Sud, sans jamais savoir que l’expédition principale a échoué. Ils passent deux hivers à Cap Evans, avant d’être secourus par Shackleton à bord de l’Aurora, réparé par le gouvernement néo-zélandais, le 10 janvier 1917.
Voir aussi: Les 7 explorateurs antarctiques célèbres
Le temps de l’aviation
Le nord-américain Richard Byrd et le premier survol du pôle Sud le 29 novembre 1929 lors de sa première expédition antarctique à bord d’un Trimoteur Ford surnommé Floyd Bennett en hommage à son copilote décédé.
L’équipage est constitué de Byrd, du pilote Bernt Balchen, du copilote Harold June et du mécanicien Ashley McKinley.
Ils décollent de Little America, une base située sur la barrière de Ross et atteignent le pôle lors d’un vol d’environ 18 heures et 2400km aller-retour au-dessus d’un territoire totalement inconnu, avec une navigation extrêmement difficile.
Ils larguent un drapeau des Etas-Unis au-dessus du pôle Sud pour marquer leur passage.
Devenu héros national et promu contre-amiral, son expédition a permis de cartographier de vastes zones jusque-là inexplorées et a ouvert la voie à la future exploration scientifique de l’Antarctique.
Entre 1933 et 1939, Lincoln Ellsworth (1880-1951) un explorateur polaire nord-américain a entrepris quatre expéditions en Antarctique avec pour oibjectif de traverser le continent avec son avion le Polar Star. Le 23 novembre 1935, lors du vol transantarctique, il découvre une chaîne de montagnes qu’il nomme en l’honneur de son père, les monts Ellsworth. Il relie l’ile Dundee au nord de la péninsule antarctique jusqu’à la base Little America en mer de Ross.
L’Antarctique, le 7e continent
Le continent Antarctique est ainsi le dernier continent a avoir été découvert et exploré. Avec une superficie qui oscille entre 12 et 18 millions de km2 selon les saisons, ce nouveau territoire a été l’objet de convoitise et de revendications de la part de nombreux pays.
Les pays qui justifient leur proximité et ceux qui ont participé à sa découverte ont des possessions territoriales (Argentine, Chili, Australie, Nouvelle-Zélande, Grande Bretagne, Norvège).
Pour préserver ce continent des contingences internationales, dès 1959 des mesures ont été prises et des accord établis pour protéger l’Antarctique. Ce sera l’objet du Traité sur l’Antarctique du 1er décembre de la même année qui stipule qu'”il est de l’intérêt de l’humanité toute entière que l’Antarctique soit à jamais réservée aux seules activités pacifiques et ne devienne ni le théâtre ni l’enjeu de différents internationaux”
L’Antarctique est dorénavant désigné comme “une réserve naturelle, consacrée à la paix et à la science”.
L’Antarctique abrite aujourd’hui 48 stations de recherches scientifiques et 25 pays différents.
Le temps des croisières
Sur ce Continent Blanc qui fait tant rêver, le 7e sur la planète, la Péninsule Antarctique est aujourd’hui la principale destination accessible pour les croisières d’explorations et les expéditions en voilier sur le continent Antarctique. Ce sera peut-être l’histoire de votre découverte…
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