Alcide d’Orbigny et l’Argentine


A l’heure de l’implosion du Vice royaume du Rio de la Plata et de l’Alto Peru au début du XIXe, l’ancienne colonie espagnole d’Amérique du Sud se trouve morcelée en 5 pays jaloux de leur indépendance et de leur souveraineté.
Avec le développement des sciences naturelles, cette ouverture sur des territoires peu ou mal connus voit naitre un intérêt croissant à l’époque pour développer et approfondir les connaissances de leurs ressources naturelles et humaines.
La France de Charles X envoie un naturaliste-voyageur pour enrichir les collections du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.

Alcide d’Orbigny (1802-1857) suit la trace des Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland qui ont parcouru l’Amérique équatoriale entre 1799 et 1804. Il s’en veut un digne successeur et nourrit l’espoir de compléter leur travail sur la partie Méridionale.

Son voyage commence à Brest en 1826 où il embarque sur un navire militaire à destination de l’Amérique Méridionale. Il durera 7 ans et 7 mois. Il sera subjugué par la baie du Rio de Janeiro et son parfum aux mille fleurs mais c’est là aussi qu’il pose pour la première fois le pied sur « le continent de Colon et de Cabral ».
C’est aussi l’époque de lutte entre le Brésil et l’Argentine qui se dispute la région cisplatina qui deviendra l’Uruguay en 1828. Il rejoindra alors Montevideo puis Buenos Aires et continuera plus tard vers le Chili, la Bolivie et le Pérou.
Lorsqu’il arrive à Buenos Aires, il prend conscience que la situation politique est fort instable. Les coups d’état se succèdent et la violence est omniprésente. Une situation interne délicate doublé de la menace des razzias indiennes compliquent quelque peu son voyage et contrarie certains aspects de sa mission. Certains passages de son récit sont éloquents à cet endroit.

Dans cet univers pour le moins intimidant pour un voyageur étranger, Alcide d’Orbigny reste concentré sur sa mission et ses espoirs de grandes découvertes.

Notre voyageur-naturaliste va parcourir d’immense contrée du nord de l’Argentine (région de Corrientes, Chaco et l’ancien territoire des missions le long du littoral du fleuve Parana) et au Sud vers le nord de la Patagonie à la frontière entre le sol foulé par les européens et les territoires indiens.
Ses observations sur l’Argentine sont sans doute les plus étendues car non seulement il trouvera matière à l’étude zoologique, paléontologique, botanique, climatique et géologique mais il apporte aussi de précieuses descriptions anthropologiques et ethnologiques sur les peuplades aborigènes qui vivaient dans les profondeurs de ces territoires.
D’un point due vue historique, sa relation de voyage se place dans un contexte proche des événements qui ont agité cette région. Il propose un point de vue particulièrement intéressant dans la description d’une ville comme Buenos Aires et des villes naissantes qu’il traversera (comme Corrientes) mais aussi et surtout de la description des us et coutumes de la population créole et de la sociologie des lieux.

Son long voyage va le faire entrer dans le panthéon des grands hommes du XIXe dédiés à la science. Comme naturaliste il sera dans son domaine, un digne successeur de Buffon au XVIIIe et égalera le travail de Humboldt et Bonpland. Ses 9000 pièces collectées vont approvisionner le Musée d’histoire naturelle et alimenter également le musée naissant des sciences naturelles de Buenos Aires.

A son retour en France en 1834, il passera 13 années pour classer et rédiger ce qui donnera lieu à son œuvre monumentale ‘Voyage dans l’Amérique Méridionale’ en 9 Tomes dont 2 sur l’Argentine l’un intitulé ‘Argentine’ et l’autre ‘Pampas-Patagonie’.
Pour son dévouement envers les sciences naturelles d’Orbigny a obtenu deux fois la médaille Wollaston de la Société géologique de Londres. En 1853, le Musée d’Histoire Naturelle de Paris le nomme titulaire de la chaire de paléontologie. La République de Bolivie le nomme Officier de la Légion d’Honneur.
Il est devenu vice-président de la Société géologique de France, et de nombreuses académies et des sociétés françaises et étrangères l’ont nommé en tant que membre d’honneur.

Certaines des observations faites par d’Orbigny sont maintenant difficiles à égaler. La grande biodiversité des régions visitées fait partie d’une faune aujourd’hui si appauvrie que ses contributions ont un intérêt particulier et une grande valeur historique.
A analyser la profondeur des études et des découvertes d’Alcides d’Orbigny, il peut être est considéré comme l’un des scientifiques ayant le plus travaillé et découvert en Argentine avant Darwin et Burmeister.

A lire aux Éditions de la Découvrance: – Voyage dans l’Amérique Méridionale – Argentine et Pampas-Patagonie

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