“Nobleza Gaucha” icône du cinéma muet argentin


Tourné en 1914 et projeté pour la première fois en 1915, le film Nobleza Gaucha (Noblesse Gaucho) est le seul film a connaitre un aussi formidable succès populaire en Argentine où il est encore régulièrement projeté dans une version reconstituée de l’image. Et comme à l’époque, dans le meilleur des cas, la projection se fait avec un pianiste dans la salle qui ajoute ainsi la bande-son en direct, ce qui rend d’autant plus vivant le retour dans le temps.

Un grand intérêt de ce film aujourd’hui est de voir Buenos Aires en 1914 comme rarement on peut l’apprécier. Nobleza Gaucha prend aujourd’hui sous cet aspect, une dimension de documentaire.
Le type de caméra de l’époque ne permettaient que le plan fixe; originalité de ce film est que monté à bord d’un train et du tramway, on peut observer sans doute l’un des tout premier travelling de l’histoire du cinéma. A noter que les premières caméras ont été amenées par le français Eugène Py en 1897 et les premières salles de cinéma ont ouvertes en 1900 à Buenos Aires.

Film muet en Noir & Blanc, Nobleza Gaucha est un mélodrame aux accents comiques qui tente de mettre en valeur les vertus naturelles du gaucho et met en relief les grands changements de la société en opposant le campo (le monde rural symbole de vertus) à la ciudad (la ville symbole de la perdition). Cette vision n’est pas sans rappeler l’idéologie “Civilisation et Barbarie” développée par l’idéologue Domingo Faustino Sarmiento et les poèmes de José Hernandez dans son Martin Fierro qui annonçait la fin de l’ère gaucho.
Une vision qui parait simpliste aujourd’hui mais qui prenait tout son sens à une époque où l’arrivée des grandes transformations dans l’univers humain (la voiture, le chemin de fer, la modernisation de la ville) rendait visible la domination des machines, de l’administration sur l’homme. Une époque de grands bouleversements dans une Argentine pleine d’optimisme quand à son avenir.

Ce film est tout à fait remarquable puisqu’il met en scène et raconte les archétypes de la dualité de la société Argentine toujours ressentie aujourd’hui entre le campo et la ville.

  • La première partie présente la vie de la campagne, son rythme et ses activités; le travail du gaucho (exploitation du bétail, dressage des chevaux) et les réunions sociales (fêtes, danses folkloriques). Ses personnages: le gaucho Juan digne et fier, humble et rude, accompagné de sa “china” (sa fiancée, sa femme), le nouvel arrivant représenté par l’italien Don Genaro (le “tano” de Naples) qui malgré sa bonne volonté a du mal à s’habituer et s’intégrer au milieu des criollos.
    L’estanciero Don José Gran, ce grand propriétaire terrien faisant partie de la haute bourgeoisie qui partage son temps entre son estancia et son petit palais de Buenos Aires à l’architecture parisienne et qui occupe son temps en mondanités.
  • La deuxième partie est à la ville après que l’estanciero ait kidnappé la jeune fille amoureuse du gaucho Maria, et l’enferme dans sa résidence portègne. Accompagné par le tano, le gaucho se rend à la ville de Güeno Ayres (pour Buenos Aires dans le texte) avec l’intention de la délivrer.
  • C’est là où va se jouer le drame mais aussi le plaidoyer pour montrer l’emprise et le pouvoir de l’estanciero contre le modeste gaucho qui n’a écouté que son cœur et fait parler son courage.

Bien heureusement, l’ordre naturel des choses reprend le dessus et la morale va châtier le coupable et sauver les faibles…

Fiche technique de Nobleza Gaucha:

Année: 1915
Origine: Argentina
Durée: 01h03mn
Langue: Espagnol (Intertitres)
Direction: Humberto Cairo, Eduardo Martinez de la Pera et Ernesto Gunche.
Interprètes: Celestino Petray , María Padín , Arturo Mario

Photo: © Cristina Arriagada – Lilián Saba au piano – Nobleza Gaucha à la Bibliothèque Nationale le 11/06/2011

Quelques images de Nobleza Gaucha (1915)

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