Napoléon Ier et l’Argentine (1808-1810)


Napoléon Ier et la fondation de la République Argentine tel est le titre du livre écrit en 1892 par le Marquis de Sassenay, fils du Marquis Claude Henri Stéphane Bernard de Sassenay (1760-1840) qui fût l’un des acteurs d’un épisode peu connu durant l’activité fébrile et belliqueuse de l’Empereur Napoléon 1er. En réalité un acteur qui vécut une tragédie personnelle à ses dépends.
C’est une étrange histoire que celle du Comte de Liniers et du Marquis de Sassenay, tous deux français, tous deux arrachés à leur patrie, le premier par le souci qu’au XVIIIè siècle les cadets de famille avaient de chercher fortune, le second par nécessité de se soustraire par l’émigration aux soulèvements populaires, réunis un jour, pour le malheur de tous deux, par l’autocratique volonté de napoléon.

Engagé au service de l’Espagne, Jacques de Liniers s’était crée dans les colonies de l’Amérique du Sud une haute situation; par deux fois il avait sauvé Buenos Aires de l’invasion anglaise, et il n’avait dû qu’à son héroïsme et à la reconnaissance populaire le titre de vice-roi.

Soldat de l’armée de Condé, puis officier à la solde de l’Angleterre, Sassenay avait finit par se réfugier aux États-Unis, où il avait tenté de refaire par le commerce sa fortune ruinée, puis il avait profité du Consulat pour rentrer en France et se faire rayer de la liste des émigrés. Dans ses voyages à but commercial il avait connu Liniers.
Aussi, lorsque Napoléon songea à faire reconnaitre par les colonies espagnoles, après le guet-apens de Bayonne, l’éphémère royauté de son frère Joseph, songea-t-il à Sassenay pour l’envoyer sur le Rio de la Plata, retourner Liniers contre les espagnols et envoyer une escadre forte de 6000 hommes en armes pour prendre pied sur le Continent Sud-américain.

Appelé par l’Empereur le 29 mai 1808, le marquis dut s’embarquer dès le 30 sur le brigantin “Consolateur” sans avoir eut l’autorisation de régler ses affaires personnelles et d’embrasser sa femme. La traversée fût pénible; il échappa néanmoins aux croisières anglaises qui dominaient à cette époque les mers (après la bataille navale de Trafalgar en 1805, l’Armada espagnole et la flotte française sont décimées). Arrivé le 12 août à Buenos Aires il trouva l’opinion soulevée par la trahison de napoléon à l’égard des princes espagnols. Froidement accueilli par Liners, qui malgré son amitié pour lui, ne pouvait braver l’opinion, le Marquis de Sassenay est jeté en prison par les émissaires de la Junte à son arrivée à Montevideo le 17 août lors de son voyage de retour, car ces derniers étaient jaloux de Liniers (le fameux Elio).

Le Marquis de Sassenay est alors transporté sur les pontons-prisons de Cadix en février 1810 et n’échappait, en mai 1810, que par la plus téméraire des évasions à une abominable captivité. Malgré son dévouement et son courage, Napoléon, qui n’aimait que le succès, lui faisait le plus mauvais accueil, et il rentrait dans son château en juillet 1810, découragé et si vieilli que ses domestiques ne le reconnaissaient plus.

Quand à Liniers, il ne tardait pas à être destitué par les espagnols qui le soupçonnaient de trahison puis après les événements de mai 1810, odieusement fusillé par ses anciens compagnons d’armes criollos (créoles) qui lui devaient leur ascension, soulevés contre la domination de l’Espagne.

Ainsi finissait cette triste aventure; elle aurait passée inaperçue au milieu des graves événements de cette époque et resterait probablement ignorée de nos jours, si le marquis de Sassenay n’en avait fait, à l’aide de ses papiers de famille et des documents des Archives Nationales, le plus attachant et le plus émouvant récit.

Source: Maxime de la Rocheterie – Revue des Questions Historiques, année 1893, p.312
NAPOLÉON 1er et la FONDATION de la RÉPUBLIQUE ARGENTINE
Jacques de Linières, comte de Buenos-Ayres, vice-roi de la Plata,
et le marquis de Sassenay (1808-1810),
par le Marquis de Sassenay
Auteur: Claude Henri Étienne Sassenay (marquis de)
Éditeur: E. Plon, Nourrit et Cie, 1892

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